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va trouver un cheik, et lui demande quel nom il donnera au nouveau-né. Alors le prêtre ouvre un livre, et, après l’avoir parcouru un moment, dit le nom que doit porter le nouveau-né ; c’est quelquefois le nom d’un saint chrétien ; le plus souvent, c’est le nom d’un prophète. Dans leurs relations avec les musulmans, les Ansariens prennent des noms musulmans, tels que Mahomet, Ali, etc. On circoncit les enfans huit ou dix jours après leur naissance, et cette cérémonie est une fête pour la famille.

Les Ansariens Kadmousié, ceux qui rendent à la femme un culte particulier, ont une étrange et odieuse cérémonie qui prouve jusqu’à quelles aberrations l’esprit de l’homme peut descendre. Durant la nuit du premier jour de l’an, les hommes de chaque village s’enferment dans une maison et murmurent dévotement une prière à la lueur de quelques flambeaux ; quand la prière est achevée, on éteint les flambeaux, et la porte s’ouvre pour laisser entrer confusément les femmes et les jeunes filles du village. Au milieu des ténèbres, chaque homme se saisit de la première femme que le hasard lui donne, et dans cet affreux désordre, peut-être arrive-t-il que le frère rencontre la sœur, et le fils la mère. Cette fête si révoltante se nomme boc-bèche (fête d’empoignement).

Comme les Ansariens ont fait de leur religion un secret qu’il importe de garder, ils ont voulu que leurs femmes restassent étrangères à la connaissance de la doctrine, et c’est pour cela aussi qu’ils n’initient leurs enfans qu’à l’âge de raison. Alors un homme s’empare de l’adolescent et l’entraîne dans des lieux déserts. Là, séparé du bruit et des choses humaines, le jeune homme est instruit dans la science sacrée ; tous les mystères lui sont dévoilés, on tire devant lui cet épais rideau qui lui dérobait le tabernacle de la vérité, et l’enfant devenu homme reçoit en dépôt le grand secret. Le jeune Ansarien, qui jusqu’alors n’avait porté qu’un simple bonnet entouré d’un fichu, est admis à l’honneur de porter le turban et de participer à toutes les cérémonies.

Quoiqu’il se trouve parmi la peuplade ansarienne une secte pour qui la femme est un objet d’adoration, la femme n’est comptée pour rien dans cet étrange royaume. Ce n’est point à la noble et douce compagne de l’homme que les Kadmousié rendent hommage ; ce