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rance et bonne foi ; mais pour lui, l’étiquette aurait beau faire : la Mort de Suenon et la Mort de Brunehaut sont des énigmes qui ne valent pas la peine qu’on les devine. On comprend mieux la peinture de M. Lestang, et la Mort de Camoëns, que ce peintre a exposée, mérite tout le succès qu’elle obtient. La composition en est simple et touchante, la peinture onctueuse et d’une belle pâte. M. Lestang est un des jeunes peintres qui, en dehors de l’influence de M. Ingres, témoignent le plus clairement de la bonne direction que la peinture semble avoir prise.

M. Lehmann, au contraire, a écrit le nom de son maître, M. Ingres, sur les moindres contours de son tableau. Cette influence se combine chez ce jeune homme avec celle de son organisation allemande, qui le porte à quelque chose de raide dans le trait et de cassé dans les plis. Plus qu’aucun des élèves de M. Ingres, M. Lehmann me semble doué du sentiment de la composition. On ne saurait, sans l’avoir vu, se faire une idée de la souplesse avec laquelle sont agencées les quatre figures dont se compose le tableau du Départ du jeune Tobie. Joignez à cela des qualités fortes de dessin, une expression naturellement grave et sentie, et vous trouverez de quoi compenser amplement ces fautes saillantes, comme j’aime tant, pour mon compte, à en rencontrer dans un Maidenspeech. Les portraits de M. Lehmann sont aussi fort beaux, quoique un peu durs, et produisent beaucoup d’effet.

Avec M. Lehmann nous aimons à citer Mlle Ellenrieder, dont les tableaux ne peuvent être considérés que comme des études d’après les maîtres, mais chez laquelle il faut reconnaître un goût de dessin admirable et un sentiment d’une extrême pureté. M. L. Boulanger est aussi revenu à l’imitation des maîtres vénitiens, dont il exposa pour son début un brillant pastiche. Autrefois, M. L. Boulanger ne voyait les Vénitiens que par l’épiderme du ton ; aujourd’hui il les imite dans la forme et la tournure. Quand nous voyons un homme tel que M. L. Boulanger, appelé tôt ou tard à prendre un rang élevé dans l’art, revenir sur ses pas, tenter sur lui-même un nouvel essai de réforme, quelque incomplet que cet essai nous paraisse, nous admirons une semblable persévérance, nous y reconnaissons un gage d’avenir. Le malheur est qu’un peintre soit en quelque sorte obligé d’exposer le fruit de toutes ses