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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

amateurs de musique qui prétendent aussi que cette année Rubini est en progrès ; la chose est possible, sans doute, mais qui pourra l’apprécier ? Il en est de même de Mme de Mirbel, dont le talent est arrivé à un degré de perfection qui émousse la louange tout autant que la critique. Il faut le dire cependant, au risque de se répéter, le portrait de la jeune madame P… vaut tout ce que Petitot a jamais peint de plus délicat. Celui du roi produit l’effet des belles pierres gravées antiques. Quand on l’isole des objets de comparaison, la tête grandit à l’œil et revêt la puissance de la nature.

Après nous avoir montré Richelieu traînant Cinq-Mars à sa suite, et Mazarin mourant, M. Delaroche nous a donné cette année la Mort de duc de Guise. Son tableau, exécuté avec plus de soin encore que les précédens, et dans la même dimension, est aussi dans ce sentiment de comédie qui a fait dire à de bons juges que c’était là du Molière en peinture. L’intention du peintre se révèle dans la figure du roi, soulevant la portière et regardant du coin de l’œil si son ennemi est bien mort ; elle n’est pas moins évidente dans la manière remplie de courtoisie dont les assassins s’écartent pour laisser voir au roi l’accomplissement de ses ordres. Mais le peintre reprend toute sa dignité, quand il montre le noble cadavre étendu sur la gauche du tableau. M. Delaroche n’a rien produit de plus ferme ni de mieux rendu que cette figure.

M. Delacroix, absorbé sans doute par les travaux de la salle qu’il décore au palais de la chambre des députés, n’a exposé qu’un petit nombre d’ouvrages, d’une importance secondaire. Les Natchez offrent un paysage d’un beau caractère ; le Prisonnier de Chillon est une ébauche pleine d’ame et d’énergie. Dans sa Crucifixion, dont le Christ surtout nous semble remarquable, M. Delacroix s’est montré trop préoccupé du souvenir de Rubens.

M. Lugardon conserve ses qualités de dessinateur correct et hardi dans son Guillaume Tell sauvant Baumgartner. La faiblesse du paysage nuit à l’effet que devrait produire le tableau de M. Lugardon. Ce peintre éprouve, du reste, le sort de tous les hommes organisés pour la finesse du dessin : il faudrait qu’on mît à chacun de ses tableaux une étiquette ainsi conçue : Le public est prié de faire attention au tableau de M. Lugardon, excellent dessinateur. M. Sturler est aussi un peintre qui cherche la forme avec persévé-