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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

l’ouvrage suivant que le public comprend bien tout ce que le peintre a gagné. Le tableau de cette année est le signe d’un nouveau progrès dans le talent de M. Scheffer ; ne nous étonnons pas s’il se sent encore un peu mal à l’aise sur le terrain qu’il aborde. M. Scheffer, tout en conservant l’ordonnance originale de son tableau, n’avait qu’à s’abandonner à la pente de son ancienne peinture, laisser courir la touche capricieuse de son pinceau, mettre des chausses mi-parties à Paolo, et son succès eût été un succès de vogue. Mais M. Scheffer tient, avant tout, à se satisfaire lui-même ; lui, que la mode a long-temps courtisé, il se soustrait courageusement au joug de la mode. Je ne pense pas que celle-ci fasse durer long-temps sa rancune.

iii.

Le Samaritain, le saint Jean, Marceau, Françoise surtout, voilà sans doute des ouvrages très recommandables ; je n’ai pas besoin toutefois d’avertir qu’il manque à l’exposition un tableau du premier ordre. Sans le style, il n’est pas de véritable peinture d’histoire, et les quatre tableaux que je viens d’examiner pèchent tous plus ou moins par le style. Cette réflexion me fait donner le pas cette année au paysage sur la peinture d’histoire. Mais ici je rencontre une difficulté qui pourrait arrêter ma plume, si je n’étais soutenu au fond de l’ame par une ferme conviction. Le paysage est une partie de l’art dans laquelle la discorde des opinions est flagrante ; non-seulement les peintres se précipitent dans les routes les plus opposées, mais encore l’opinion qui les juge se partage en une multitude effrayante de contradictions ; autant de têtes, autant d’avis ; personne ne s’entend ; c’est une véritable tour de Babel.

Je sais des gens qui trouvent un moyen bien simple pour expliquer cette discordance : c’est de déclarer le paysage une chose absurde à priori ; et je l’avoue, plus j’y réfléchis, moins je me sens en état de combattre une si singulière opinion. Quand je songe à ce qu’il faut de concessions de la part de notre esprit, et d’habitude de