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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

Je n’ai, du reste, ni le loisir ni l’intention de recommencer le procès tant de fois intenté à l’école de David. Historiquement parlant, je ne connais rien de plus admirable que cette résolution prise par un homme, au beau milieu de sa carrière, de se refaire lui-même, et de refaire violemment le goût, les doctrines et la pratique de toute une nation dans les arts. Ce qui distingue l’entreprise de David des entreprises semblables tentées en France par Vien, et en Allemagne par Raphaël Mengs, c’est qu’il ne perdit jamais de vue le fonds même de la peinture ; non-seulement il prétendit quelque chose de plus pur, de plus noble, et de plus philosophique par la pensée, mais encore il voulut une peinture plus solide et plus positive : en cela, il se rapprocha de Reynolds, le seul peintre peut-être qui ait allié une belle pratique à une théorie presque irréprochable. Les vues de David n’étaient ni aussi vastes, ni aussi justes que celles de Reynolds ; il n’avait qu’une idée imparfaite de l’importance chimique des procédés, et même il professait un dédain mal entendu pour cette partie de l’art si essentielle à l’effet et à la conservation des tableaux : la nature ne lui avait donné que des facultés incomplètes pour l’ordonnance générale d’un ouvrage, d’où il suit que ses conseils à cet égard ne pouvaient avoir ni clarté suffisante, ni efficacité réelle. Enfin, toute la partie de l’art qui procède du Titien et du Corrège, l’harmonie et le clair-obscur, paraissent avoir été jusqu’au bout lettre-close pour son esprit. Mais David sentait la nature d’une manière forte et vraie ; il la rendait par parties avec puissance et réalité. Ses meilleurs élèves, sans aucune exception, n’ont eu sur ce point essentiel ni la même conviction, ni une habileté égale à la sienne : Girodet s’est perdu en voyant la nature à travers l’antique, au lieu de voir l’antique à travers la nature ; M. Gros, dans ses ouvrages les plus recommandables, a toujours manqué essentiellement de solidité ; il a constamment fait creux et lanterne ; c’est par le côté de l’imitation que M. Gérard, si supérieur à David pour le sentiment de l’ordonnance, a manqué dans sa meilleure peinture. David a donc pu légitimement penser qu’il n’était pas compris ; il a dû désapprouver la direction que la peinture avait prise au-dehors de son atelier : c’est ce qui explique la tendance au vrai de ses derniers élèves, M. Rouget, M. Schnetz, M. Drolling. Mais ces derniers, et