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la peinture pour sa propre satisfaction ; on est comptable de ses ouvrages à l’opinion publique ; le salon est la barre du tribunal devant lequel il n’est pas permis de faire défaut.

Privé de ces illustrations de premier ordre, le salon de 1835 n’en offre peut-être qu’un champ plus curieux à l’observation. On remarque une rénovation heureuse de physionomie dans les sommités de l’exposition. Ainsi les noms que nous citerons en première ligne sont peut-être tout-à-fait nouveaux à la plupart de nos lecteurs ; c’est d’abord, avec M. Ary Scheffer, M. Bouchot, M. Forestier ; c’est en même temps M. Champmartin, reparaissant avec éclat parmi les peintres d’histoire : M. Louis Boulanger, M. Gigoux ont fait de grands efforts, en partie couronnés de succès ; M. Vinchon s’est acquitté avec quelque bonheur d’une tâche difficile, et M. Lehmann s’est signalé par un début du plus heureux augure ; dans la peinture anecdotique ou de demi-caractère, nous trouvons MM. Schnetz et Lugardon assez près de M. Delaroche. Parmi les peintres de scènes familières, il nous faudra bien accoler quelques noms modestes à celui de M. Biard, ce nouveau colosse de la caricature. En marine, M. Lepoittevin prend une revanche sérieuse de nos critiques passées. Pour les animaux, M. Brascassat rappelle le Paul Potter, moins la couleur, il est vrai, et la naïveté. En fait de portraits, outre les ouvrages toujours si distingués de M. Champmartin, nous trouvons un certain nombre de morceaux frais, fins et solides, à opposer aux succès bourgeois de M. Dubufe et aux fusées de M. Lépaulle. Le paysage présente un magnifique développement de promesses acquittées et d’espérances à concevoir ; c’est dans le paysage que la marche de l’école nous semble à la fois la plus indépendante et la plus avancée. À côté des noms déjà bien appréciés d’Aligny, de Cabat, de Corot, de Paul Huet, ceux de MM. Bodinier et Marilhat réclament une place d’honneur. La peinture d’intérieur n’est plus le monopole de Granet ; grace aux efforts de MM. Aurèle Robert et Perrot, elle a quitté la route fausse de Bouton, imparfaitement modifiée par Dauzats ; elle est redevenue aussi réelle, aussi simple que la peinture de paysage ; enfin, au-dessus de ce microcosme de la miniature, de l’aquarelle et du lavis, monde que nous abandonnons de grand cœur à son train-train de petites ventes et de modestes leçons, nous