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voir leur donner d’autre emploi, on en a formé le 67e de ligne. Ces Parisiens, soustraits aux mauvaises suggestions de l’oisiveté, de la misère, ces soldats enlevés à l’émeute, ont sauvé leur division dans la retraite de Médéah, et ne se sont pas montrés moins humains qu’intrépides à arracher des victimes aux désastreuses tempêtes de février dernier : ils ont tourné contre les Arabes un courage qui pouvait s’égarer dans les discordes civiles, et accru la gloire de leur pays lorsqu’ils l’auraient peut-être ensanglanté au cloître Saint-Méry. Aucun homme d’état ne voudrait, assurément, acheter au prix de pareilles chances l’économie que nous aurions pu faire sur l’occupation d’Alger.

L’évacuation de la régence compromettrait, on le voit, des intérêts dignes de ménagement, et elle ne nous permettrait pas de réduire, comme on l’a prétendu, l’effectif de notre armée des 30,000 hommes que nous y entretenons. Le pied de paix se règle,

    embarrassans pour elle, le sont également pour eux-mêmes, et se jettent avec empressement dans la première voie qu’on leur ouvre.

    Chargé, dans des circonstances critiques, de la sûreté de Paris, je reconnus promptement que le fonds de toutes les émeutes était dans une population flottante de vingt à vingt-cinq mille individus, privée de travaux, d’avenir, en partie par sa faute, en partie par celle des circonstances, disposée au mal quoique propre au bien, placée sous la main de tous les agitateurs, population différente des voleurs qui ont un métier, et ne se compromettent que le moins possible hors des limites de leur spécialité. L’éloignement ou du moins la réduction de cette population me parut le seul moyen d’assurer la tranquillité de la capitale ; la préfecture de police organisa un mode d’enrôlement pour Alger. Ces enrôlemens, qui ne pouvaient séduire aucun ouvrier occupé, étaient souvent plus nombreux que nous ne voulions. Mon opinion était qu’il fallait en porter le nombre à seize mille. Il fut facile de démontrer au conseil municipal de Paris l’intérêt qu’avait la ville à cette opération, et, par une délibération du 24 janvier 1831, il consentit à se charger des dépenses du voyage des volontaires jusques à la Méditerranée. Ces mesures, concertées entre mon collègue M. O. Barrot et moi, permirent la clôture des ateliers de charité qui étaient une charge énorme pour la ville, et assuraient de nouveaux troubles au lieu d’en faire disparaître les élémens.

    Des recherches sur d’autres parties de la police de Paris m’ont convaincu qu’il y aurait grand parti à tirer de la possession d’Alger, dans l’intérêt de sa sûreté et de la moralité de la capitale ; mais, quoiqu’elles aient besoin d’être complétées, il serait trop long de les exposer ici.