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ALGER.

les indigènes, j’ai cherché, avant tout, à m’instruire de l’état social de ceux-ci, et j’ai rencontré chez quelques-uns d’entre eux une étendue d’instruction, une justesse de vues bien faites pour me guérir de la présomption qui expose notre nation, vis-à-vis de l’étranger, à de si fâcheuses méprises. À mesure que je pénétrais dans cet ordre de faits, je comprenais comment les mêmes causes, bien comprises en Égypte, avaient concilié à Bonaparte et à Kléber la soumission des populations musulmanes, et, mal comprises à Alger, nous les avaient aliénées ; les vicissitudes de nos établissemens à l’extrémité orientale de la régence, de ceux des Espagnols à l’extrémité opposée, auparavant confuses et obscures, s’expliquaient d’elles-mêmes ; je me rendais enfin raison de la solidité de la domination des Turcs, campés avec huit mille hommes sur le sol de la régence, de l’incertitude et du rétrécissement de la nôtre. L’Arabe est comme son cheval : celui-là seul en tire parti qui sait comment il veut être conduit.

Le gouvernement de Charles x n’avait cherché dans la conquête d’Alger que l’ascendant politique qu’elle pouvait lui donner pour l’exécution de ses projets sur l’intérieur de la France, et, l’œil fixé sur ce résultat, sur l’appui qu’il se promettait du retour d’une armée victorieuse et dévouée, il n’avait rien arrêté, rien prévu sur l’avenir des deux cent trente lieues de côtes que la Providence venait de livrer à la France : on parlait de céder la régence au vice-roi d’Égypte, sans songer qu’il y a plus loin d’Alger au Caire que de Paris à Saint-Pétersbourg, et que les déserts de la Libye sont moins faciles à traverser que l’Allemagne. Toutefois, malgré des fautes militaires que réparèrent le courage et la patience de nos soldats, M. de Bourmont prit vis-à-vis du pays une attitude convenable. Il se souvint de Bonaparte annonçant aux peuples d’Égypte que son but était de les délivrer de la tyrannie des Mameloucks, et proclama que la France n’avait d’ennemis que les Turcs, qui exploitaient et opprimaient la régence ; qu’il venait détruire ce repaire d’aventuriers sortis de l’Albanie et de l’Asie mineure, qui formaient exclusivement la milice d’Alger, et constituer, dans l’intérêt de l’Europe et du pays, un gouvernement indigène. Ces espérances répandues portèrent leurs fruits : la population maure releva la tête, et lorsque le château de l’Empereur eut sauté, se