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REVUE. — CHRONIQUE.

La position secondaire que M. Thiers a maintenant dans le ministère a affaibli singulièrement son importance dans la chambre des députés, il a dit s’en apercevoir dans les dernières discussions. Jusqu’à présent on écoutait ses discours, nous ne dirons pas avec gravité, mais avec attention. Dans tous les récens débats où il a pris la parole, M. Thiers a fixé, avec quelque peine, l’esprit distrait même de la majorité ministérielle. M. Thiers est usé ; il a été très faible dans toutes ses argumentations où il a invoqué, avec une désespérante monotonie, sa probité, la force du gouvernement, l’unité de ses vues, la puissance de ses moyens. C’est un jeu qu’il faut employer rarement dans la position délicate où se trouve M. Thiers en face de l’opinion publique. Quand on parle trop de sa probité, on semble faire croire qu’il y a doute ; quand on s’extasie si souvent sur la franchise du pouvoir, on paraît dire que le pays n’y croit pas. L’exposé des motifs sur les fonds secrets, lu par M. Thiers à la tribune, ressemble à ces factums du Directoire, lorsqu’il demandait des mesures de déportation contre les anarchistes républicains et les chouans ; c’est de la contradiction, et au bout de cela, de la police et de l’argent.

M. de Broglie, qui jouit dans la chambre des députés d’une réputation de probité, n’excite pas de plus vives sympathies ; sa parole doctorale ne plaît pas même aux centres ; on le voit embarrassé, il n’est pas dans son élément. À la chambre des pairs, M. de Broglie produisait une certaine impression ; sa parole, d’une solennité lourde, ne va pas à la tribune de la chambre élective ; il aura pour appui M. Guizot, qui se tient en réserve, car, depuis les explications ministérielles, il n’est pas monté une seule fois à la tribune. M. Guizot parle à un centre plus compacte ; il y trouve de plus nombreux échos ; sa parole est austère, sa gravité scientifique incontestable ; c’est un homme considérable, et même en face des partis c’est quelque chose.

Au reste, c’est une pitoyable majorité que celle qui se produit dans la chambre des députés. Nous revenons aux années de la restauration, où un centre compacte ne permettait plus à personne la parole indépendante. La lecture du rapport de M. Dumon a été un véritable scandale ; les murmures de la majorité n’ont pas permis même à M. Berryer de compléter sa pensée. Le rapport de M. Dumon sur la créance des États-Unis est un document qui, avec des prétentions à l’impartialité historique, n’a laissé voir qu’une face de la question, et a voilé tous les faits en opposition avec son système. Les garanties qu’impose la commission au gouvernement sont puériles ; c’est une phraséologie bonne tout au plus pour les niais politiques qui ne savent pas le fond des choses. La vérité historique, la voici : l’empire s’est refusé à donner une indemnité aux États-Unis jus-