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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

son culte et de ses vœux, que les artistes, les savans, les gens du monde, les écrivains et les étudians ne se lassent de la visiter et de la décrire.

L’auteur anonyme du volume que nous avons sous les yeux a, sous ce rapport, bien mérité de ses compatriotes. Pour plus d’exactitude, il s’est borné à une spécialité qu’il a étudiée consciencieusement pendant plusieurs années, et traitée avec autant de talent que de soin. Nous nous sommes étonnés d’abord de le trouver sans aucune passion, ce à quoi nous nous attendions d’autant moins qu’il est, Dieu merci, bien au-dessus des facultés du cicérone et du style d’itinéraire. Nous avons parcouru bien des pages, espérant voir surgir d’entre les descriptions séduisantes ou moqueuses, et les appréciations finement touchées, quelque bon élan d’amour ou d’indignation. Ce n’est qu’à la fin du livre que nous avons compris la position d’un esprit juste et d’un observateur de bonne foi au milieu de la Rome de 1833. Les États Romains, tels que le temps les a faits, déconcertent également l’enthousiasme et la haine. Comment admirer cette belle nature sans faire un triste retour sur la laideur morale de la population qui la dépare ? Ces laboureurs qui s’engagent à travailler avec l’intention de voler leur salaire, et que le fermier ne peut diriger sans être armé jusqu’aux dents ; cette paresse qui veut composer presque universellement avec le sort au moyen du vol et de la rapine ; cette population qui méprise un pouvoir dont ses vices autorisent et justifient en quelque sorte l’existence et les moyens, ne sont-ils pas un réfrigérant bien puissant pour l’exaltation de parti pris ? Mais dans ces affligeantes défectuosités, dans cette incurie fatale, dans cette décadence des facultés artistiques, les derniers des sentimens qui consolent de la corruption, dans ces routines coupables, ne voit-on pas bientôt qu’il faut faire la part du temps, des circonstances et de cette éternelle faiblesse qui pèse sur la Rome du christianisme comme une expiation de la puissance brutale de Rome païenne ? À la fin d’une enquête minutieuse, telle que l’auteur l’a faite, on ne trouve plus guère que de la pitié pour tout le monde. Ces bourgeois de Rome sont des pères de famille honnêtes comme on en voit tant, mais beaucoup d’entre eux attendent leur fortune du tirage de la loterie. Tous ne rêvent qu’aux moyens de faire des affaires, c’est-à-dire de remuer l’argent des autres de manière à en retenir beaucoup pour eux-mêmes, et surtout à se donner peu de peine. Quelle supériorité de talens et de vertus les autorise donc à dédaigner leur triste gouvernement et à souhaiter sa chute ? Le plus grand crime de la papauté en 1834 est peut-être de ne plus savoir enrichir, aux dépens du reste du monde, la population voluptueuse et oisive de l’état pontifical. Si le successeur de saint Pierre reprochait aux Romains de vouloir le quitter comme des parasites abandonnent un Lucullus appauvri,