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REVUE DES DEUX MONDES.

xxxix.

Nous causâmes long-temps ; elle était simple et bonne.
Ne sachant pas le mal, elle faisait le bien ;
Des richesses du cœur elle me fit l’aumône ;
Et tout en écoutant comme le cœur se donne,
Sans oser y penser, je lui donnai le mien ;
Elle emporta ma vie, et n’en sut jamais rien.

xl.

Le soir en revenant, après la contredanse,
Je lui donnai le bras ; nous entrâmes au jeu ;
Car on ne peut sortir autrement de ce lieu.
« Vous partez, me dit-elle, et vous allez, je pense,
« D’ici jusque chez vous faire quelque dépense ;
« Pour votre dernier jour il faut jouer un peu. »

xli.

Elle me fit asseoir avec un doux sourire ;
Je ne sais quel caprice alors la conseilla ;
Elle étendit la main et me dit : Jouez là.
Par cet ange aux yeux bleus je me laissai conduire,
Et je n’ai pas besoin, mon ami, de vous dire
Qu’avec quelques louis mon numéro gagna.

xlii.

Nous jouâmes ainsi pendant une heure entière,
Et je vis devant moi tomber tout un trésor ;
Si c’était rouge ou noir, je ne m’en souviens guère ;
Si c’était dix ou vingt, je n’en sais rien encor ;
Je partais pour la France, elle pour l’Angleterre,
Et je sortis de là, les deux mains pleines d’or.