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ron, dans son discours d’ouverture, releva-t-il avec convenance et dignité cette prétention mesquine et indélicate.

Les catholiques, qui, par M. de Theux, ministre de l’intérieur, ont commencé à détourner à leur profit l’influence universitaire, dominent également la politique extérieure par M. de Muelenaere, ministre des affaires étrangères, qui n’est pas moins dévoué au parti. Hâtons-nous d’ajouter cependant que M. de Muelenaere est un homme d’une autre portée que M. de Theux. S’il seconde les catholiques dans leurs projets d’envahissemens, c’est moins par bigoterie et par faiblesse de caractère que par une prévision politique qui lui fait craindre le développement illimité de l’esprit révolutionnaire. M. de Muelenaere est un diplomate habile, qui ménage au besoin toutes les factions, et qui n’appartient réellement à aucune. Chacun des actes de sa vie porte ce cachet de prudence égoïste qui caractérise ce que l’on a appelé les hommes du lendemain, pour donner un nom honnête à la couardise élevée à l’état de système. Simple procureur du roi à Bruges en 1824, M. de Muelenaere siégea aux états-généraux parmi les membres de l’opposition, mais il votait rarement avec elle quand l’intérêt de sa province n’était pas directement en jeu. Le gouvernement hollandais en prit cependant de l’ombrage, et empêcha qu’il ne fût réélu en 1829. Ce fut alors que les électeurs firent frapper une médaille commune à M. de Muelenaere et à M. Vilain xiv, avec cette inscription : Le pouvoir les proscrit, le peuple les couronne. Au moment où M. de Muelenaere recevait cette récompense civique, il adhérait d’un autre côté, comme procureur du roi, au message royal du 11 décembre, qui renversait toute la constitution du pays, et il déclarait qu’il devenait urgent de prendre des mesures rigoureuses contre la licence de la presse. Par cette prudente tactique, quelle que fût l’issue des évènemens, il s’assurait un port dans l’avenir. Lorsque Bruges s’insurgea, M. de Muelenaere, qui ne savait pas encore de quel côté tournerait la victoire, montra une aversion invincible pour toute fonction, pour toute dignité qui tendait à le tirer de sa chère obscurité ; mais quand les troupes hollandaises eurent décidément évacué le territoire belge, il consentit à devenir gouverneur de la Flandre occidentale. Peu à peu sa répugnance pour les places et les dignités s’affaiblit à tel point,