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seil, sur la nécessité d’un président homme de tête ? Jusqu’à la nomination de cette présidence, le ministère inorganisé, est dit-on, dans l’anarchie. D’où proviennent ces proclamations que nous lisons tous les matins ? D’où proviennent-elles ? Est-ce du fond de la nation. Est-ce de ce qu’on appelle le public ? Le pays est-il malheureux, souffrant, inquiet ? L’initiation des lois utiles est-elle tarie tout à coup dans le gouvernement ? Y a-t-il quelque partie d’administration paralysée ? Y a-t-il d’autres retards dans l’expédition des affaires, que ceux qui résultent ou de l’indolence de quelque ministre, ou de son temps perdu en intrigues et en bavardage ? Enfin, ne se tient-il plus de conseil du cabinet ; n’y parle-t-on plus d’affaires publiques ; les ministres ne s’y occupent-ils que de vaines disputes, de coalitions ou de séparations, de paix ou de guerre entre eux ? Rien ne peut-il les ramener aux affaires de l’état, et n’existe-t-il dans ces conseils aucun personnage à qui la chose publique toujours présente inspire d’autres pensées et fasse sentir d’autres besoins que celui d’arranger de petites amnisties, et de rapprocher de petites inimitiés ?

« Rien de tout cela. Tout va, tout marche dans le gouvernement. L’industrie, les arts, le commerce, le négoce, tout prospère. Le contentement est partout. Les familles se cherchent, s’invitent, se mêlent dans les amusemens les plus gais et les plus animés ; l’antique palais des rois de France les réunit aussi comme une seule famille ; là elles voient des modèles parfaits des vertus domestiques, et la puissance qui caresse ceux qu’elle rend heureux, après avoir soulagé ceux qu’elle ne peut dérober à la souffrance. D’où proviennent donc les clameurs, et pourquoi y mêlons-nous les nôtres ?…

« Quand nous voudrions en ignorer l’origine, le pourrions-nous, en entendant ces autres bruits qui tous les matins annoncent des mutations dans le ministère, et qui partent des ministres eux-mêmes ; ces mutations annoncées non comme l’intention du monarque de qui émanent les nominations aux places, mais comme la volonté de ceux qui les occupent, ou de quelques-uns d’entre eux ?… Les ministres ne sont-ils pas dès à présent en pleine oligarchie, et par cela même en violation flagrante de la Charte, et ne mériteraient-ils pas d’être mis en accusation ?

« Il ne manque à leur système, pour être exprimé littéralement, que deux conditions déjà mises par eux à découvert, et qui sont aujourd’hui sous-entendues dans toutes leurs discussions sur la composition du cabinet.

« La première, c’est que les ministres doivent, à chaque renouvellement de chambre, obtenir une adhésion formelle et authentique de la chambre à ce qu’ils appellent leur doctrine ou système.