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REVUE. — CHRONIQUE.

prendre un dans presque toutes les combinaisons qui se préparent. M. Thiers est vraiment un homme d’esprit, il a trouvé une route nouvelle pour arriver au ministère et pour y rester.

Trois combinaisons se sont successivement formées depuis la retraite de M. le duc de Trévise. Dans les premiers jours, quelques paroles un peu aigres ayant été échangées entre le roi et ses ministres, on dut croire à la dissolution complète du cabinet. La brochure de M. Rœderer parut. Depuis quelque temps, M. Rœderer faisait de fréquentes visites au château. Le roi le voyait plus particulièrement chez Mme Adélaïde, lui parlait des heures entières, se complaisait à lui développer ses idées de gouvernement, et M. Rœderer tenait un journal des conversations du roi, dont il faisait souvent lecture à ses amis et à des hommes politiques marquans. Quand la brochure de M. Rœderer parut, tous ceux qui approchent le roi ne purent douter qu’en cette circonstance M. Rœderer n’avait été que la plume. Tout le monde reconnut la pensée, et dans le premier moment, le cabinet doctrinaire se sentit frappé de la foudre.

Les familiers du château ont vainement essayé de s’en défendre ; on les a vus colporter la brochure de M. Rœderer dans toutes les maisons qu’ils fréquentent, la vanter, la louer avec amour. Un noble duc attaché par ses fonctions, à la personne du roi, avait fait placer dans sa voiture quelques centaines d’exemplaires de l’Adresse d’un constitutionnel, et il ne rentra qu’après avoir épuisé toute sa provision. C’était tout simplement une seconde édition des ordonnances de Charles x, mais promulguées sans éclat, et qui se glissaient timidement sous les portes ; un dix-huit brumaire bourgeois, qui apparaissait sans bruit et sans soldats, sur le seuil de la chambre.

Nous ne rechercherons pas, comme d’autres l’ont fait, si M. Rœderer a écrit de sa main cette curieuse déclaration de principes, s’il en est seul le père et l’éditeur ; nous nous bornerons à demander à tout homme de bonne foi, qui a vu de près les grandes affaires, et qui a entendu quelquefois les longs monologues politiques de l’auteur présumé de cet ouvrage, de quelle bouche ont pu sortir les maximes qu’on va lire, et quelle main a tracé ces satires et ces portraits fidèles :

« Il faut aux doctrinaires un jésuitisme éclectique qui ait son clergé, ses prêtres, ses profès, ses initiés, sa robe longue et sa robe courte dans les deux sexes ; société profondément exclusive, dont la devise soit : Nul n’aura de l’esprit, des honneurs, des dignités, des emplois, même de la gloire et de la considération (si nous pouvons), hors nous et nos amis. — Adresse d’un constitutionnel, p. 2.

« D’où vient qu’on se récrie surtout sur la nullité du président du con-