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REVUE. — CHRONIQUE.

l’on a les faiblesses de Louis xv, prince très spirituel, très capable aussi, mais dont la capacité a fort mal arrangé nos affaires.

Après avoir été placée long-temps à Londres, entre les mains de M. de Talleyrand, la direction des affaires semble avoir passé à Saint-Amand, dans le château du maréchal Soult. Le maréchal qu’on songeait fort peu à consulter quand il était président du conseil, et lorsqu’il était facile, en quelques minutes, de se procurer le secours de ses lumières, est maintenant la nymphe Égérie de la pensée royale. Il est écrit que le président du conseil des ministres du roi des Français sera toujours un être invisible, et c’est sans doute pour remplir cette indispensable condition, que l’habile vainqueur de Toulouse s’est retiré dans une province lointaine. Mais il paraît que son règne a cessé, puisqu’on le rappelle. Qui sait où passera le pouvoir, maintenant que M. Soult va se replacer ostensiblement à la tête du ministère ? À Rochecotte peut-être ; car M. de Talleyrand, qui n’est pas moins habile que lui, l’a gagné de vitesse et d’éloignement.

Le retour du maréchal Soult était prévu. Que de fois nous l’avons annoncé ! C’est en le suivant avec des yeux humides de larmes, qu’on l’avait vu s’éloigner. On s’était promis de le rappeler bientôt, et son absence ne devait durer que le temps de remplir cette incommode formalité qu’on nomme le vote du budget. Vous savez que le maréchal et la chambre s’étaient brouillés à l’occasion de quelques chiffres, sans doute mal arrangés par les commis ; mais on espère que la chambre actuelle sera moins vétilleuse, et qu’elle passera au maréchal ses erreurs en matière d’administration, en faveur de sa sévérité en matière politique.

En ce moment, il s’agit d’une seule chose, de placer M. le maréchal Soult dans le fauteuil que la retraite de M. le maréchal Mortier laisse vacant. Il y a quelques jours, on parlait, il est vrai, d’un changement de ministère. M. de Rigny disait en toussant qu’on ferait un acte d’humanité en le nommant ambassadeur à Naples ; M. Thiers annonçait aux jeunes peintres qui le courtisent journellement, qu’il allait partir, et se reposer, sous le ciel heureux de l’Italie, du travail qu’il ne fait pas au ministère de l’intérieur ; M. Guizot éprouvait le besoin de se livrer à des recherches historiques pour justifier son système mal compris, et M. Persil enviait tout haut l’embonpoint et le teint fleuri que prend M. Barthe à la Cour des comptes. Mais tout est changé, et, en arrivant, M. le maréchal Soult trouvera beaucoup moins de besogne à faire qu’il ne pense.

D’abord, M. Thiers est décidé à rester. Il est vrai qu’il avait promis à M. Guizot, qu’il aime aujourd’hui tendrement, de ne pas accepter la présidence du maréchal Soult ; mais Nisus avait oublié de dire à Euryale qu’il entretient depuis deux mois une correspondance active et secrète