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après, l’Autriche s’était prononcée pour la coalition. Les souverains alliés attendaient avec impatience la résolution du cabinet de Vienne. Il était onze heures du soir ; tous étaient réunis dans une grange ; au rez-de-chaussée, MM. de Nesselrode, Pozzo di Borgo, Hardenberg ; au premier étage, Alexandre et le roi de Prusse. La pluie sifflait aux vitres ; tout à coup arrive un courrier porteur d’une lettre pour M. de Nesselrode ; deux mots seulement : — L’Autriche s’est prononcée et met son armée à la disposition de l’alliance. — Qu’on imagine les transports de la coalition à cette nouvelle ; cent cinquante mille hommes débouchant des montagnes de la Bohême !

L’orage s’amassait à chaque moment plus épais. Avec quelle joie le regardait s’élargir à l’horizon ce Pozzo di Borgo qui l’y avait vu poindre imperceptible. Il était général maintenant. Comme si la guerre incessante des négociations n’eût pas suffisamment secondé son impatience, il avait demandé à être employé activement dans la lutte des camps. Il fut envoyé par l’empereur en qualité de commissaire près du prince royal de Suède qui couvrait Berlin avec quatre-vingt dix-mille hommes, Prussiens, Russes et Suédois.

L’étoile de Napoléon jetait encore par intervalles de brillans rayons. La défense de Dresde fut un des prodiges du génie guerrier de l’empereur. La coalition avait été refoulée avec des pertes énormes ; Moreau était resté sur le champ de bataille. Mais cette admirable manœuvre de concentration sur Dresde fut suivie de grandes fautes. Nos corps d’armée avaient été témérairement éparpillés ; celui de Vandamme fut coupé et fait prisonnier, tandis que les avantages remportés à Grosbeeren et à Delwich, par Bernadotte et Pozzo di Borgo, contraignirent les autres à la retraite.

Napoléon prit position sur l’Elbe. Nous ne rappellerons pas les funestes Journées de Leipzig : on sait quel immense désastre en fut la suite. La coalition était victorieuse sur tous les points : déjà son avant-garde se mirait aux flots du Rhin ; mais elle n’approchait qu’avec une secrète terreur de cette terre de France où tant d’autres avant-gardes de l’Europe avaient trouvé leur tombeau. L’armée de Bernadotte s’était dirigée sur le Holstein ; elle devait occuper le Danemark et préparer de là un mouvement en Hollande. Le général Pozzo di Borgo fut détaché de ce corps et appelé à Francfort pour y régler, avec l’alliance, la marche des opérations décisives. Avant de se risquer en France, on voulait bien connaître sa situation intérieure. Ce fut donc de Francfort que la prudente diplomatie épia les mouvemens de l’ennemi qu’elle voulait enlacer.

La machine administrative impériale fonctionnait encore docilement, tant était puissant le mouvement que lui avait imprimé le génie organi-