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REVUE DES DEUX MONDES.

Fait admirer nature en son accroissement ;
Et son tronc vénérable, aux campagnes voisines,
Attache dans l’enfer ses fécondes racines,
Et de ses larges bras touche le firmament.


Celle-ci a plus de grandeur encore. Je la détache d’une ode sur la mort de M. de Thermes. C’est de ce dernier que le poète parle ainsi :


Il voit ce que l’Olympe a de plus merveilleux ;
Il y voit, à ses pieds, ces flambeaux orgueilleux
Qui tournent, à leur gré, la fortune et sa roue,
Et voit, comme fourmis, marcher nos légions,
Dans ce petit amas de poussière et de boue,
Dont notre vanité fait tant de régions.


Cela est sublime, et la muse chrétienne n’a pas inspiré de vers plus magnifiques. Malherbe, dit-on, était jaloux de cette strophe. Je le crois bien, il n’en a pas écrit de plus belle.

Mais ce n’est là qu’une face du talent lyrique de Racan. De ces beautés d’un ordre si élevé, il faut rapprocher une ode charmante, au comte de Bussy, que le poète sans doute avait connu dans l’un de ses amoureux pélerinages de Bourgogne. C’est un regard mélancolique jeté sur la jeunesse qui s’éloigne, une invitation à jouir de ces années qui passent si vite. L’ode commence ainsi :


Bussy, notre printemps s’en va presque expiré, etc.


Il faudrait la citer tout entière : en voici du moins deux strophes :


Que te sert de chercher les tempêtes de Mars,
Pour mourir, tout en vie, au milieu des hasards
Où la gloire te mène ?
Cette mort qui promet un si digne loyer,
N’est toujours que la mort qu’avecque moins de peine
On trouve en son foyer.

Que sert à ces galans ce pompeux appareil,
Dont ils vont dans la lice éblouir le soleil
Des trésors du Pactole ?
La gloire qui les suit, après tant de travaux,
Se passe en moins de temps que la poudre qui vole
Du pied de leurs chevaux.