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CHANTS DE L’ITALIE.

À Rome, lorsque le prêtre porte la nuit les derniers sacremens à un moribond avec son escorte de bedeau, d’enfans de chœur armés de sonnettes et de flambeaux, de pénitens gris couverts de leur capuchon, toute cette troupe marche d’un pas lent et grave, psalmodiant un chant populaire composé pour la circonstance. À la vue de cette procession, chaque passant s’arrête, tombe à genoux devant la sainte eucharistie, se frappe la poitrine, puis se relève pour se joindre à l’escorte et ajouter sa voix à celle des fidèles. En quelques minutes, l’affluence devient considérable, et le chœur général. Avertis par ce chant, tous les habitans, maîtres et domestiques, accourent de l’intérieur de leurs demeures et se placent aux fenêtres avec des bougies allumées, en sorte que toutes les maisons d’une rue se trouvent en un clin d’œil illuminées jusqu’au toit. Le prêtre a passé, avec lui la procession et le chœur ; et cette subite clarté, qui a un moment fait pâlir les ténèbres de la nuit, disparaît bientôt, laissant, comme avant, la rue obscure et silencieuse. Toute cette foule, qui oublie son chemin et ses occupations, pour aller, avec des chants et des prières, saluer d’un dernier adieu l’âme d’un inconnu qui va s’élancer vers un autre monde, certes c’est là un spectacle touchant et solennel : le chant se perd dans le lointain comme s’exhale le dernier soupir de l’agonisant, les lumières s’éteignent comme s’éteint l’œil du mourant.

Si nous laissons le chant religieux du peuple, pour nous occuper de celui qui a pour objet les choses de ce monde, nous verrons qu’il n’y a point d’événement, grave ou puéril, point de solennité de famille, depuis le baptême jusqu’aux funérailles, qui ne fournisse aux Italiens des sujets de chansons nouvelles. La vogue de ces chansons dure plus ou moins long-temps, suivant que les paroles en sont plus ou moins belles ou piquantes, la mélodie plus originale, et que le sujet se prête à de plus faciles applications.

Les chansons les plus répandues en Italie sont celles de mendians et de brigands ; les mérites de ces nobles professions y sont exposés avec des couleurs si pittoresques et si attrayantes, que ces chansons seules sont capables de nourrir chez un peuple incivilisé, comme l’est surtout celui des montagnes, le goût de la paresse, ou la prédilection pour la vie aventureuse et les exploits de grand chemin. C’est au midi de l’Italie qu’appartiennent surtout les