Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/507

Cette page a été validée par deux contributeurs.
503
CHANTS DE L’ITALIE.

magnifique feu d’artifice que l’on tire sur le château Saint-Ange. L’incendie, reflété par les eaux du Tibre, semble envelopper dans un vaste rideau de feu le pont Saint-Ange, ainsi que toutes les maisons situées sur la rive opposée, et l’on peut jouir alors du plus sublime spectacle en ce genre. Une autre fête populaire, fête tout aussi peu musicale, il est vrai, mais qui ne présente pas moins d’intérêt, est celle qui a lieu le dernier jour de jeûne, le samedi saint. Aussitôt que, du Vatican, le pape, après la Passion, entonne le Gloria in excelsis, signal de la résurrection, toutes les cloches retentissent dans les trois cents clochers qui dominent la capitale du monde chrétien, et à ce concert-monstre viennent encore se mêler les canonnades du château Saint-Ange et les acclamations bruyantes d’une foule immense. Dans toutes les rues, ce n’est que feux allumés, que fusées s’élevant et mourant dans les airs, que détonations devant les portes ; et de toutes les fenêtres jaillit une mitraillade de pots de terre qui ont servi pendant la durée du jeûne, et dont on se défait pour la plus grande gloire de Dieu, souvent aussi au grand dommage des têtes des passans. Les madones placées au coin des rues, dans les maisons et dans les boutiques, sont dépouillées de leurs habits de deuil pour revêtir le costume des dimanches ; on les entoure d’un nombre infini de fleurs et de bougies. Les marchands de boudin, de jambon et de parmesan, parent leurs boutiques comme des chapelles de village au jour de la Fête-Dieu. Dans les rues, c’est une agitation incroyable, ce sont des cris sans fin, et la licence devient telle, qu’on pourrait croire avoir tout à coup rétrogradé jusqu’au temps des anciennes bacchanales. Le soir, les feux sont rallumés dans les rues ; on illumine les maisons du haut en bas. Les Juifs eux-mêmes, qu’une prévoyance toute paternelle du Saint-Père a parqués derrière une muraille pour prévenir leur trop grande multiplication, et qui, néanmoins, croissent et multiplient d’une manière prodigieuse, les Juifs, dans leur prison, allument des feux de joie, pour témoigner au serviteur des serviteurs de Dieu qu’ils sont ses humbles et pacifiques sujets.

Mais une circonstance qui, dans chaque fête, ajoute encore aux plaisirs des Romains, c’est la concession des indulgences que le pape laisse libéralement tomber sur la tête du peuple élu. À peine, du