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CHANTS DE L’ITALIE.

La musique populaire est le livre de la vie intime d’un peuple, comme la musique nationale en est le livre d’histoire : la première reproduisant les occupations, les mœurs, les habitudes populaires ; la seconde, obéissant, dans ses modifications, à l’influence des événemens politiques d’une nation ; celle-ci, transmise de génération en génération par tout un peuple ; celle-là, passant de bouche en bouche, et léguée par les pères à leurs enfans comme une propriété de famille.

Nous nommons enfin chant populaire un chant qui, chez un peuple quelconque, a pris naissance hors de toute influence de l’art, et dont le peuple est lui-même le poète et le musicien.

Dans les pays froids, où l’homme use sa vie dans un combat perpétuel contre la nature, il a besoin de réunir toutes ses forces pour braver les rigueurs de sa condition. Menacé sans cesse par le climat, environné de montagnes de glaces, il est forcé de chercher une habitation dans le sein de la terre ; là, il vit, loin de toute relation sociale, solitaire et silencieux, jusqu’à ce que la nécessité le contraigne à sortir pour chercher sa nourriture, semblable aux animaux dont il mange la chair, dont les fourrures lui servent de vêtemens, n’ayant d’autres moyens d’action que la force brutale, incapable d’aucun sentiment épuré ou délicat, comprimant enfin dans un lourd engourdissement toutes les facultés de son ame. Dans ces régions où l’homme est soumis à la verge de fer de l’impitoyable nécessité, point de chant, point d’expression d’un sentiment animé, car tout est morne dans un état de vie qui ne diffère de la mort que par un mouvement purement mécanique.

Dans les climats tempérés, au contraire, chaque nouveau jour est paré de nouveaux charmes et semble apporter avec lui une vie nouvelle. La circulation du sang, rendue plus rapide par la chaleur du soleil, est une cause incessante d’entraînement vers le plaisir. Plus un peuple est voisin du midi, et plus cette excitation devient vive et puissante. La nature riche et prodigue a pourvu à tous les besoins de l’homme ; la fleur et le fruit se trouvent ensemble sur le même arbre. À de beaux jours succèdent des nuits plus belles encore ; ce n’est plus le temps, mais le plaisir, qui mesure les heures. De là cet éloignement pour le travail et la fatigue, en même temps que