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LE POÈME DE MYRZA.

ciel, parut se dérouler du ciel jusqu’à la terre. Du sommet invisible de cet escalier, on vit descendre des formes vagues et lumineuses, qui peu à peu se dessinèrent en se rapprochant ; des chœurs de femmes plus belles que toutes les fleurs de la terre et toutes les étoiles des cieux remplirent le sanctuaire en chantant ; un ange était venu s’abattre sur le dernier degré, et à chaque femme qui le franchissait, il appelait un homme qu’il choisissait selon les desseins de Dieu, et mettait la main de l’époux dans la sienne.

Quelques hommes, cependant, voulurent conserver leur immortalité. Mais l’amour de la femme était si enivrant et si précieux, qu’ils ne purent résister au désir de le goûter, et qu’ils essayèrent de séduire les femmes de leurs frères. Mais ils moururent de mort violente ; Dieu les châtia, afin que le premier crime commis sur la terre n’eût point d’imitateurs.

Pendant long-temps, malgré les souffrances de cette race éphémère, l’âge d’or régna parmi les hommes, et la fidélité fut observée entre les époux.

Mais peu à peu le principe divin et immortel qui avait animé les premiers hommes s’affaiblissant de génération en génération, l’adultère, la haine, la jalousie, la violence, le meurtre et tous les maux de la race présente se répandirent dans l’humanité ; Dieu fut obligé de voiler sa face et de rappeler à lui ses anges. La Providence devint de plus en plus mystérieuse et muette, la terre moins féconde, l’homme plus débile, et sa conscience plus voilée et plus incertaine. Les sociétés inventèrent, pour se maintenir, des lois qui hâtèrent leur chute ; la vertu devint difficile et se réfugia dans quelques ames choisies. Mais Dieu infligea pour châtiment éternel à cette race perverse le besoin d’aimer. À mesure que les lois plus absurdes ou plus cruelles multipliaient l’adultère, l’instinct de mutuelle fidélité devenait de jour en jour plus impérieux : aujourd’hui encore il fait le tourment et le regret des cœurs les plus corrompus. Les courtisanes se retirent au désert pour pleurer l’amour qu’elles n’ont plus droit d’attendre de l’homme et le demandent à Dieu. Les libertins se désolent dans la débauche et appellent avec des sanglots furieux une femme chaste et fidèle qu’ils ne peuvent trouver. L’homme a oublié son immortalité ; il s’est consolé de ne plus être l’égal des anges, mais il ne se consolera jamais d’avoir