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LE POÈME DE MYRZA.

palmier. Il y avait un lit de mousse fraîche ; l’homme cueillit les fleurs d’un rosier qui tapissait le seuil, et les effeuillant sur sa couche, il y fit asseoir la femme en lui disant : « L’Éternel soit béni.»

Et allumant une torche de mélèze, il la regarda, et la trouva si belle qu’il pleura, et il ne sut quelle rosée tombait de ses yeux, car jusque-là l’homme n’avait jamais pleuré.

Et l’homme connut la femme dans les pleurs et dans la joie.

Quand l’étoile du matin vint à pâlir sur la mer, l’homme s’éveilla ; il ne faisait pas encore jour dans sa demeure. Se souvenant de ce qui lui était arrivé, il n’osait point tâter sa couche, car il craignait d’avoir fait un rêve, et il attendit le jour, désirant et redoutant ce qu’il attendait.

Mais la femme, qui s’était éveillée, lui parla, et sa voix fut plus douce à l’homme que celle de l’alouette qui venait chanter sur sa fenêtre au lever de l’aube.

Mais aussitôt il se mit à verser des pleurs d’amertume et de désolation.

Ce que voyant, elle pleura aussi, et lui dit : — Pourquoi pleures-tu ?

— C’est, dit l’homme, que je t’ai, et que bientôt je ne t’aurai plus, car il faut que je meure ; c’est à ce prix que je t’ai reçue de l’Éternel. Avant de te voir, je ne m’inquiétais pas de mourir ; la faiblesse et la peur sont entrées en moi avec l’amour. Car tu vaux mieux que la vie, et pourtant je te perdrai avec elle.

La femme cessa de pleurer, et avec un sourire qui fit passer dans le cœur de l’homme une espérance inconnue, elle lui dit : « Si tu dois mourir, je mourrai aussi, et j’aime mieux un seul jour avec toi que l’éternité sans toi.»

Cette parole de la femme endormit la douleur de l’homme. Il courut chercher des fruits et du lait pour la nourrir, et des fleurs pour la parer. Et dans le jour, quand il se remit au travail, il planta de nouveaux arbres fruitiers, en songeant au surcroît de besoins que la présence d’un nouvel être apportait dans sa retraite, sans songer qu’un arbre serait moins prompt à grandir que lui et la femme à mourir.

Cependant le souci avait pénétré chez lui avec la femme. La pensée de la mort empoisonnait toutes ses joies. Il priait Dieu avec plus de crainte que d’amour ; les moindres bruits de la nuit l’ef-