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moi-même la chair avec mes dents plutôt que de ne pas défendre ma famille contre ces hommes. »

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« Ah ! je comprends maintenant ce qui s’est passé. Mon oncle Beuvet a été tué, mais ceux qui ont fait le coup en rendront compte, je vous le promets ; Sire, tôt ou tard je tirerai vengeance de vos seigneurs qui ont tué mon oncle. — Vous m’entendez tous ici, nobles ?… — Personne ne bouge ? — Eh bien ! s’il y a quelqu’un de vous à qui ces paroles remuent le sang, qu’il sorte, et nous verrons son adresse à manier les armes ! »

Jacques avait répété ces derniers vers en étendant les bras et élevant la voix, comme si, dominé par un souvenir personnel, il se fût fait l’application des paroles de Renaud, et comme s’il eût défié la foule. Il reprit presque aussitôt :

— Cela est beau, n’est-ce pas, monsieur ? — Et cet autre passage encore ?

« La fâcherie d’un roi, Mogis, pourquoi t’en inquiètes-tu ? La fâcherie d’un roi, j’en fais cas comme celle d’un veau qui tète sa mère. Si notre père s’est séparé de nous devant l’empereur, s’il nous a déshérités !… qu’importe !… J’ai du courage, et je vous en fais serment devant la Trinité, tant que j’aurai Bayard sous moi, et flamberge à mon flanc, je vivrai partout en dépit du roi. »

Un roulement de tambour, qui annonçait la continuation du drame, arrêta Jacques dans ses citations. Les acteurs parurent tous sur le théâtre, et l’un d’eux s’avança pour réciter le prologue.

La première chose qui me frappa dans cette entrée, ce furent les costumes. Charlemagne avait un habillement complet de bedeau, avec la robe mi-partie d’écarlate et de violet, le jonc, pour chasser les chiens, et le bâton à croix d’argent. On lui avait attaché sur la tête une couronne de papier doré, ornée de chapelets et de médailles de plomb. Les pairs de France portaient de vieilles soutanes avec des ballins drapés en guise de manteaux, et de grands chapeaux bretons. Mogis, en sa qualité de magicien, avait un costume complet de mahométan. Quant aux quatre fils d’Aymon, Richard, qui avait sans doute servi, portait l’habit de petite tenue, le pantalon garance, la giberne et le briquet. Allard avait la robe d’un mage, le bonnet à poil, et les bottes à l’écuyère ; Guichard, l’habit de marquis, culotte courte, perruque poudrée, souliers à boucles, et l’épée horizontale ; il ne lui manquait que le claque qu’il avait remplacé par un bonnet de police. Au milieu de cette grotesque mascarade, Renaud seul semblait avoir tenté de mettre, si non plus de vérité historique, du moins plus de poésie dans son costume. Il était vêtu en ar-