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théâtres lyriques, et conçu son œuvre dans un enthousiasme sacré pour les hautes inspirations des Auber, des Caraffa, des Adam, et de mille autres grands musiciens que je ne cite pas, tant la litanie en serait longue ! Comme il est facile de le voir au style incorrect de sa composition, aux négligences de l’orchestre, à l’absence complète de toute distinction dans la mélodie, M. Bellini a dédaigné cette fois de s’adresser à ce public qui, pendant les dernières années qui viennent de s’écouler, a suivi de loin l’astre de Rossini, et maintenant commence à comprendre certaines beautés de Guillaume Tell. Non, en mettant le pied sur notre sol, M. Bellini a lu, comme par intuition, dans l’esprit de cette classe intéressante de la société française qui se réjouit des beautés de Gustave et d’autres pareilles fredaines musicales, et c’est pour elle qu’il a chanté, le beau cygne italien ! Dans ses ouvrages précédens, M. Bellini avait fait preuve, sinon d’originalité, du moins de talent et de goût. Souvent dans la Straniera et le Pirate, au milieu d’un acte languissant et plein de diffusion, s’élevait un chant frais et mélancolique. Ce n’est pas que si l’on eût voulu scrupuleusement en rechercher la source, il eût été bien difficile de la trouver autre part que dans le cerveau de M. Bellini ; mais n’importe, qu’elle vînt d’Italie ou d’Allemagne, c’était de la mélodie, on l’écoutait avec plaisir. Tous se souviennent encore de cette phrase belle et simple que chante Tamburini, au second acte de la Straniera et de cette autre ardente et passionnée qui termine l’opéra. Cette fois, M. Bellini s’est complètement abstenu de toute idée neuve, ou du moins paraissant telle ; il a même négligé de puiser aux sources étrangères, il a trouvé plus simple de se copier lui-même ; or, vous devez penser ce qu’il a dû rester d’une idée après une semblable élaboration, quelle œuvre pâle et débile est éclose à la chaleur d’un reflet ! En vérité, ce qui vous déconcerte dans l’opéra nouveau de M. Bellini, c’est le procédé, le procédé, invention hideuse de ce siècle sans foi, ni conscience, par laquelle un homme doué fait de son art un métier, et reproduit cent fois la même idée, au lieu de s’avancer dans une route de progrès et de travail pénible. Voici le procédé qu’emploie ordinairement M. Bellini dans une cavatine : il commence par un andante simple et mélancolique, celui de la Straniera, il en varie le ton suivant les circonstances ; quand Rubini l’a dit avec un sentiment admirable, il remonte la scène ; alors s’élève de l’orchestre la voix de la clarinette, du cor ou du hautbois, qui fait entendre une cabalette d’une expression semblable à celle de la Somnambule. Le divin chanteur revient et s’en empare, et le public applaudit avec enthousiasme, et la redemande. Pour un duo la formule reste la même, avec cette différence, que dans l’intervalle de l’andante à l’allégro, au lieu d’un, ils sont