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moins celui d’y vivre ! Quelle ! arrogance ! Vite, la loi des crieurs publics, et, pour sûreté plus ample, celle contre les associations, puis celle du désarmement. Certes les ministres de la royauté citoyenne ont eu bien raison de dire qu’aucune nation en Europe n’était libre comme la nation française. On y est libre d’écrire sous l’œil du parquet, entre le receveur des domaines qui tend la main pour recevoir l’amende, et le guichetier qui avance la sienne pour tirer le verrou sur l’écrivain. On y est libre de s’assembler pour s’entretenir avec ses amis, pourvu qu’on se résigne à continuer en prison l’entretien ; libre de se promener sur une place publique, pourvu qu’on n’ait pas la faiblesse de craindre le bâton des assommeurs patentés et pensionnés ; libre d’avoir chez soi des armes, pourvu qu’on ne tienne pas à les garder, si on les découvre, et qu’on n’ait point de répugnance à rendre compte de cette fantaisie à M. le procureur du roi !

La Charte avait promis la liberté d’enseignement ; une loi de déception sur les écoles primaires en a plus que jamais concentré le monopole dans les mains de l’université. L’enseignement supérieur et intermédiaire est resté ce qu’il était, c’est-à-dire dépendant de cette même université, qui, se réservant le privilége de vendre l’instruction, ne permet pas même que d’autres la distribuent gratuitement à ceux qui ne la sauraient payer. Un de nos plus illustres savans eut, avec quelques-uns de ses amis, la pensée d’adoucir la misère des pauvres ouvriers, en fécondant leur travail par la science, dont ils auraient mis les élémens à leur portée : œuvre admirable et digne de celui qui l’avait conçue ! Une autorisation et un local étaient nécessaires. Le ministre refuse l’un et l’autre, sur ce motif que jamais, dit-il, il ne consentirait à laisser acquérir à un homme qui honore la France, et que l’Europe admire, une influence quelconque sur le peuple. Des cours d’hygiène avaient été ouverts dans plusieurs quartiers de Paris, en faveur de la classe indigente ; le pouvoir se hâta de les fermer. Qu’importe que ces gens-là souffrent, qu’ils soient malades, qu’ils meurent ? C’est bien de cela vraiment qu’il s’agit, sous une monarchie qui a pris à tâche de tranquilliser l’Europe ! Imprudens, si ce n’est pis, qui vous occupez de la santé des prolétaires ! Et que feriez-vous d’eux après ? Ignorez-vous donc que déjà il n’y a que trop de cette