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FRAGMENT.[1]

.... Le catholicisme languit, et tend à s’éteindre en Europe : les peuples s’en détachent ; les rois, ou l’attaquent d’une manière ouverte, ou le minent sourdement. Quel moyen de le ranimer, de lui rendre la vigueur que de jour en jour il semble perdre ? Tel était le problème à résoudre, et il offrait deux solutions. Plein de foi dans les vérités qui constituent fondamentalement le christianisme, dans sa puissance morale, dans l’harmonie de son esprit intime avec les instincts les plus élevés de l’humanité, on pouvait, brisant les liens qui asservissent l’église à l’état, l’affranchir de la dépendance qui entrave son action, l’associer au mouvement social qui prépare au monde des destinées nouvelles, à la liberté pour l’unir à l’ordre et redresser ses écarts, à la science pour la concilier, par une discussion sans entraves, avec le dogme éternel ; au peuple pour verser sur ses immenses misères les flots intarissables

  1. En tête d’un recueil d’articles publiés dans l’Avenir et ailleurs, qui doit prochainement paraître chez le libraire Daubrée, M. de La Mennais vient d’écrire une introduction étendue qui reprend et développe avec un nouveau nerf ses idées politiques et religieuses sur la société. Retiré dans sa solitude de la Chesnaye, où il édifie le monument philosophique dont beaucoup de parties sont déjà entièrement achevées, il s’est interrompu un moment pour écrire cette préface éloquente, où se retrouvent, comme en tout, sa décisive netteté de plume et cette jeunesse de cœur, presque croissante avec les années, qui est le propre de certaines natures rares. Nous sommes assez heureux pour en donner par avance ce fragment à nos lecteurs.

    (N. d. D.)