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connus aux États-Unis quand les expéditions avaient lieu ; si les armateurs les bravaient dans la vue de gains inouis jusqu’alors, c’était là une de ces nombreuses chances du commerce en temps de guerre, largement compensées, comme dans la course, par le lucre qu’on se propose. Cela est si vrai, que les pertes éprouvées par les Américains ne s’élèvent pas au vingtième des bénéfices qu’ils ont faits à ces époques désastreuses. De quoi se plaignent-ils ? L’Angleterre leur disait : Je n’admets des neutres qu’à la condition qu’ils auront tels certificats ; la France à son tour disait : Si les États-Unis dénationalisent leur pavillon en se soumettant aux clauses d’argent et de certificats imposés par l’Angleterre, je ne reconnais plus leur neutralité, et je les déclare de bonne prise. Tout était là public, connu d’avance. Napoléon disait aux Américains : « Vous avez des marchandises de contrebande à bord, le tribunal des prises le déclare ; je vous séquestre et je vous confisque. Vous avez subi la visite de l’Angleterre, je vous confisque encore ; vous avez pris un certificat d’origine en Angleterre, je vous confisque encore ; c’est mon droit. » En mer, un corsaire français rencontrait-il un Américain : eh bien ! s’il trouvait à bord de ce neutre une des marchandises proscrites par les décrets de Berlin et de Milan, il avait le droit de s’en saisir, de le brûler, de le couler, s’il résistait ; c’était une conséquence de l’état de guerre. Il est évident qu’à cette époque l’une et l’autre puissance belligérante voulait forcer les Américains à se déclarer.

Dans cette situation, que font les États-Unis ? Ils portent des plaintes violentes contre l’Angleterre ; la France les avait mieux traités ; puis ils déclarent leur embargo, c’est-à-dire la prohibition de toute espèce de commerce[1]. Malgré cette prohibition, les bénéfices étaient si considérables, que les Américains sortaient encore ; les armateurs ne se décourageaient pas ; ils aimaient mieux courir les mille chances de mer que de rester inactifs devant ces grands marchés où les marchandises coloniales gagnaient jusqu’à cinq cent pour cent.

Il parut à cette époque, à Londres, un pamphlet très remarquable, sous ce titre : Warm in disguise, sur la neutralité fictive des Américains. Mieux vaut, y disait le juge Roger, leur déclarer la guerre que de supporter une paix ruineuse. L’Amérique fit répondre par un autre pamphlet où on avouait la plupart des droits de l’Angleterre pour la visite des neutres, sauf à y poser des limites dans l’intérêt des colonies[2].

Il ne faut jamais oublier, je le répète, que ce que voulait l’une et l’au-

  1. Décembre 1807, Argus du 27 février 1809.
  2. New-Yorck, 1807.