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HISTOIRE NATURELLE.

« J’avais, dit-il, cherché pendant bien long-temps à surprendre l’oiseau dans le moment même où il dépose son œuf, mais je commençais à perdre l’espoir d’y réussir, lorsqu’un jour ayant tué une femelle de cette espèce, et voulant, suivant mon usage, lui introduire dans le gosier un tampon de filasse, afin d’empêcher le sang de couler sur les plumes, je fus très surpris, lorsque je lui ouvris le bec, de trouver dans sa gorge un œuf bien entier, et que je reconnus aisément pour un œuf de didric. J’appelai aussitôt mon fidèle Klaas pour lui montrer ce que je venais de trouver. Le bon Hotentot n’en fut pas moins surpris que moi, mais il se rappela alors que dans plusieurs circonstances, ayant tué des didrics femelles, il avait trouvé près d’elles, à terre, au moment où il allait les relever, un œuf récemment brisé. Je me souviens, en effet, qu’il m’avait dit plusieurs fois, en m’apportant des femelles de cette espèce : Celle-ci pondait au moment où je l’ai abattue. Comme j’avais un grand désir de confirmer cette première observation par d’autres semblables, je ne négligeai aucune occasion de tuer des femelles de didric, et cela explique le grand nombre que j’en ai rapportées en Europe ; cependant je n’ai eu depuis qu’une seule fois l’occasion de voir une femelle avec son œuf dans le gosier. »

Les observations de Levaillant servent à faire comprendre un fait rapporté long-temps auparavant dans un ouvrage sur l’instinct des animaux, et qui n’avait pas d’abord été bien compris ; c’est l’histoire d’un coucou que deux rouges-gorges mâle et femelle cherchaient à éloigner de leur nid. « Tandis que l’un des rouges-gorges donnait au coucou des coups de bec dans le bas-ventre, celui-ci avait dans les ailes un trémoussement presque insensible, ouvrait le bec fort large, et si large, que l’autre rouge-gorge qui l’attaquait en front s’y jeta plusieurs fois, et y cacha sa tête tout entière, mais toujours impunément, car le coucou n’éprouvait aucun mouvement de colère. Bientôt cependant il chancela, perdit l’équilibre, et tourna sur sa branche, à laquelle il demeura suspendu les pieds en haut, les yeux à demi fermés, le bec ouvert et les ailes étendues. Étant resté environ deux minutes dans cette attitude, et toujours pressé par les deux rouges-gorges, il quitta sa branche, alla se percher plus loin et ne reparut plus. »