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binaisons que nous avons déjà indiquées. Le maréchal Mortier ne veut plus de son rôle ridicule ; il a accepté un interim et non un poste définitif, il le dit à qui veut l’entendre ; c’est une chose certaine dans la chambre des pairs comme parmi les députés, bien que les ministres affirment que le maréchal fait acte de patriotisme et de dévouement. Le maréchal reste, parce qu’on a besoin de son nom et de sa signature ; la session close, ce rôle finira, un autre acteur plus formidable paraîtra sur la scène. Nous voulons parler du maréchal Soult.

Il y a bientôt sept mois que le maréchal fut chassé par ses collègues contre l’opinion personnelle du roi, et par une sorte de violence qu’on fit à ses propres sentimens. Louis-Philippe considère le maréchal comme l’expression la plus énergique du principe militaire et de l’obéissance passive ; sous ce double rapport, il est une garantie, et une menace pour l’intérieur et l’étranger. Chacun sait les scènes insolentes qui se passèrent dans le conseil, ce grossier échange de mots que se lancèrent à la face les uns des autres tous ces ministres réunis autour du tapis vert ; on fit voir au roi qu’il n’y avait pas d’autre moyen d’avoir la majorité dans la chambre : « le maréchal, disait-on, était l’expression d’un système de dilapidations et de pots de vin. » Le moral M. Thiers, dans ses pudibondes répugnances, se joignit même à ses collègues. Le roi consentit enfin à se séparer du duc de Dalmatie, mais sa volonté persévérante et tenace ne vit dans cette concession qu’une nécessité de circonstance ; il n’a pas cessé un moment d’être en rapport avec le maréchal ; il n’attend donc que l’instant de le faire rentrer avec honneur dans le conseil.

M. Thiers, qui se tourne admirablement de droite à gauche, a bien vite oublié ses torts envers le maréchal ; il seconde la tendance royale et la voudrait faire servir, après la session, à un remaniement complet du cabinet dont lui et M. Soult seraient les principales forces. C’est à ce moment que M. Guizot et tout le parti doctrinaire seraient sacrifiés ; cela mettrait à l’aise le ministère devant la chambre ; on se déferait de M. Persil en même temps que de M. Guizot ; peut-être M. Duchâtel suivrait-il la fortune de M. Guizot, et ces trois places ministérielles faciliteraient un rapprochement avec le tiers-parti dans la chambre ; on pourrait chercher des auxiliaires à côté de M. Dupin. Si M. de Rigny était envoyé à Naples, alors le poste des affaires étrangères serait vacant ; il y aurait place pour satisfaire l’amitié de M. Thiers, protectrice de M. Molé ; mais, nous le répétons, tout cela n’est pas actuel : c’est un futur remaniement renvoyé après le budget ; jusque-là M. Thiers et M. Guizot s’embrasseront affectueusement ; le ministère restera composé tel qu’il est.

Cela doit être, regardez les chambres, et voyez s’il est là des partis et