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LETTRE POLITIQUE.

services qu’il avait été assez heureux de rendre au roi et à la France, il pouvait mériter une exception ; qu’il croyait indispensable de publier quelque chose sur sa démission, et qu’il le ferait en dehors de tout caractère officiel, si le roi ne voulait point accepter lui-même une publication plus authentique. Louis-Philippe, ainsi pressé, déclara que toute la question était dans les termes, et que le prince de Talleyrand avait trop l’esprit des convenances pour ne pas rédiger sa démission de manière à ne point embarrasser son gouvernement.

La rédaction a été faite de concert sur le royal bureau, aux Tuileries ; plusieurs projets ont été touchés et retouchés, et M. de Talleyrand a eu la malice d’en envoyer un avec quelques corrections de la main du roi à un de ses amis. Je pourrai peut-être vous le communiquer.

Quant à l’effet produit par cette démission, je puis vous dire qu’elle était depuis long-temps prévue, et qu’elle n’a étonné personne parmi nous. M. de Talleyrand l’avait annoncée en plein salon chez le comte Grey, avant son départ de Londres, en accusant avec assez d’aigreur lord Palmerston des embarras que pouvait offrir la situation de l’Europe.

Voilà l’histoire de ce qui nous est ici parvenu sur la retraite de M. de Talleyrand ; on parle moins de lui maintenant que de son successeur. — Lord Cowley est encore dans les comtés pour favoriser les élections tories ; ce n’est pas, comme on l’a dit chez vous, la maladie de sa femme qui le retient à Londres, mais le résultat prochain des élections. Il nous paraît certain que le choix de M. Sébastiani n’émane pas de M. de Talleyrand ; le prince connaît trop l’opinion en Angleterre, et les convenances diplomatiques, pour indiquer ainsi l’homme politique qui déplairait le plus, même aux whigs. Je crois que si M. de Talleyrand avait été consulté, il aurait désigné M. de Rayneval, pour deux raisons, d’abord, parce qu’il est son élève et qu’il le sait homme d’affaires, ensuite parce que dans les formes, M. de Rayneval est le caractère peut-être qui offre le plus de contraste avec celui de M. de Talleyrand. Sous le rapport des manières, des grands airs, de tous ces parfums d’aristocraties, M. de Rayneval pourra le faire regretter ; car, vous le savez, M. de Rayneval est le terre-à-terre diplomatique, le bourgeois des cabinets, l’érudit des traditions de l’Europe, l’ambassadeur enfin qu’un personnage haut placé a appelé le Dupin de la diplomatie. L’opinion des têtes politiques de Londres est que le général Sébastiani ne quittera point Naples, et que d’ici là on s’arrangera pour faire un meilleur choix. Nous savons de Vienne que M. de Saint-Aulaire a été rappelé à Paris ; il a été question plusieurs fois de l’envoyer ici, où M. Decazes, son gendre, avait occupé, pendant quelque temps, le poste d’ambassadeur. M. Molé aurait quelques chances également ; ce