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LES INDIENS DE LA PAMPA.

celui des mêmes étoffes fabriquées dans les habitations de certaines provinces, car dans celles de Santafé et de Buenos-Ayres, les femmes même ne font absolument rien.

Ainsi se passe la vie de l’Indien : monter à cheval, voler, se battre parfois, jouer et dormir. S’ennuient-ils ces hommes ? je ne le crois pas. Du jour où ils auraient connu l’ennui, le besoin d’une occupation fixe, ils eussent peut-être cherché à se civiliser d’une manière quelconque, à se livrer aux travaux de l’agriculture (il est vrai que leurs voisins les gauchos ne leur en donnent guère l’exemple), et alors ils ne seraient plus nomades, cruels, indomptés ; en un mot, ils auraient cessé d’être les Indios bravos de la Pampa. Il y a chez l’Indien, dans quelque partie que ce soit des deux Amériques, un caractère d’indépendance tout particulier, dont l’influence se fait sentir de génération en génération, malgré les défrichemens et les colonies, malgré l’émancipation des nouvelles républiques : les peuplades dispersées sur les rives du Saint-Laurent et des fleuves de l’ouest, enclavées au milieu des blancs, n’adoptent quelques usages de leurs voisins que par faiblesse, en désespoir de cause, par l’impossibilité où elles se trouvent de vivre à leur manière. C’est moins sans doute incapacité qu’orgueil. Peut-être les Indiens auraient-ils fait plus de progrès sans ces découvertes qui bouleversèrent les empires du Pérou et du Mexique, car il est évident qu’ils ont rétrogradé depuis lors, et les florissantes missions du Paraguay n’avaient produit qu’un peuple d’enfans, de néophytes, qui s’est arrêté là.

Quant à l’habitant de la Pampa, il est demeuré la tradition vivante des peuples nomades, depuis les Scythes jusqu’aux Bédouins. Le pillage est tout pour lui ; quand ses troupeaux ne suffisent plus à la consommation, il faut à toute force entreprendre une nouvelle campagne : cela s’appelle, chez lui, travailler. On s’y prépare long-temps d’avance ; des traités sont conclus avec les tribus voisines ; on observe le soleil, les signes de la lune nouvelle, et si les astres laissent apercevoir de fâcheux pronostics, l’expédition est ajournée. Les vieillards, les enfans et quelques guerriers restent aux toldos ; pour les esclaves, ils sont envoyés bien loin dans l’intérieur avec les troupeaux, isolés le plus souvent les uns des autres, relégués dans le désert, dans des pays inconnus pour eux, à une