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REVUE. — CHRONIQUE.

avait été les tristes témoins pendant une quinzaine. Ce n’était pas seulement à la tribune qu’on avait agi de cette manière ; en présence d’une certaine masse de députés, M. Thiers avait saisi corps à corps M. Dupin, et lui avait dit : « La question est décisive, nous la poserons nettement ; si nous succombons, il faut que vous soyez ministre ; vous devez l’être, et prendre toute la responsabilité du pouvoir. » Que répondit M. Dupin à cette interpellation ? Encore des mots vagues et incertains : « Nous n’en sommes point là, nous verrons ce que nous aurons à faire ; vous savez que je ne veux pas être ministre. » Dès lors les timides de toutes les opinions ont voté pour ce qui était contre un avenir qui se montrait dans le vague et dans l’incertitude. On avait eu d’ailleurs le récent spectacle de l’impuissance de ces hommes à découragement qui se prenaient d’une belle passion pour le pouvoir, et qui l’abandonnaient quelques heures après ; M. Passy et M. Teste avaient tué le ministère Bassano, ils avaient jeté leurs portefeuilles aux premiers obstacles ; et comment avoir confiance dans une combinaison mort-née, qui avait fatigué le pays sans fermer aucune de ses plaies ? On a parlé de corruptions particulières, de consciences flottantes et timides pour justifier ce vote ; je dis, moi, que ce vote était dans la nature des choses, et qu’il ne pouvait pas en être autrement. Quand une assemblée a devant les yeux, d’une part, un système fixe pour lequel le pouvoir demande adhésion franche et sincère, de l’autre, des paroles vagues, un système incertain, reposant sur un récent exemple de faiblesse et d’irrésolutions, il ne peut y avoir à hésiter ; la chambre a fait en cette occasion ce que tout pouvoir politique devait faire.

Ensuite s’est présentée une seconde question, le supplément de traitement pour le président de la chambre. C’était mesquinerie de le demander, ç’a été encore mesquinerie de le refuser ; mais ici le vote de la chambre a été marqué de quelques circonstances particulières qu’il est bon de constater. D’abord les ministres étaient décidés à donner une leçon à M. Dupin pour ses incartades : ils ont voté pour le président, mais sous main ils ont insinué à leurs amis de voter contre. M. Dupin a réveillé aussi pendant sa présidence beaucoup de susceptibilités personnelles : je sais tels députés qui votent habituellement contre le ministère, et qui ont refusé avec une jouissance non moins absolue le supplément de M. Dupin ; enfin l’opposition Odilon Barrot, Laffitte, Mauguin, qui avait soutenu de ses boules la querelle du tiers-parti contre le ministère, n’a pas été unanimement complaisante pour aider le ménage de M. Dupin.

La conséquence de ce vote devait être une démission de la présidence ; quand une majorité se prononce aussi fortement contre le chef qu’elle