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tement avec cette république, avait ouvert aux Hollandais, qui combattaient leur rivale, un refuge dans ses ports : le Danemarck allait évidemment en faire autant. Il fallait que Lübeck se résignât à l’humiliation ou tentât un coup hardi : Wüllenweber se décida pour la guerre avec la Hollande, le roi de Suède et le gouvernement de Danemarck.

Cette guerre, il fallait la faire faire. Wüllenweber trouva des condottieri, et comme le siècle avait encore foi à la vocation militaire des chevaliers, ce furent de nobles aventuriers, des condottieri princes, qu’il lança sur le Danemarck, pour commencer. Christophe d’Oldenbourg, cousin du roi captif Christiern, se laissa enrôler le premier. Prince pauvre, d’ailleurs homme de cœur et d’esprit, brave et aimable chevalier, zélé protestant, savant docteur, aimant également la guerre, les femmes et les livres, il était ce qu’il fallait pour donner à l’entreprise le lustre nécessaire. Il ramassa, avec l’argent de Lübeck, une armée raisonnable, somma Christian, duc héréditaire de Holstein et de Schleswig, prétendant au trône de Danemarck comme fils aîné de Frédéric, de délivrer Christiern, au nom duquel devait se faire la guerre, et sur le refus de Christian, ravagea ses duchés, uniquement pour appeler sur ce point les forces danoises alliées, puis s’embarquant, alla commencer par la Seelande la conquête du Danemarck.

Wüllenweber lui avait préparé les voies : les bourgmestres influens de Copenhague et de Malmoë, chauds protestans et peu amis de la noblesse, avaient été attirés par lui dans cette croisade démocratique, dont ils ignoraient toute la portée. Ils suffisaient d’ailleurs à Wüllenweber, qui voyait bien qu’on ne pouvait demander pour le moment rien de plus que l’affaiblissement de la royauté, l’abaissement de la noblesse, et l’avènement du peuple. Christophe d’Oldenbourg, trouvant les provinces travaillées par les deux bourgmestres, fit de rapides progrès, s’établit dans la capitale, et s’empara de presque tout le Danemarck, avec ses auxiliaires, les paysans et les bourgeois, qu’il déchaînait contre les nobles et le clergé catholique. Les horreurs et les cruautés de toute espèce ne manquèrent pas à cette guerre, comme on peut bien le penser. Pourtant, aucune réaction ne s’annonçait pour arrêter ces triomphes, si un événement imprévu, amené par les compatriotes mêmes de Wüllenweber, ne fût venu renverser les projets de cet homme de génie.

Christian, ne trouvant plus d’ennemis après le départ de Christophe d’Oldenbourg, était allé assiéger Lübeck, à laquelle il ne pouvait faire un mal bien décisif, quoiqu’il lui fit éprouver une gêne importune. C’était tout ce que pouvait demander le triumvirat des bourgmestres. Pendant ce temps, la révolution s’accomplissait presque sans obstacle en Dane-