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joie du siècle et la gloire de ton peuple, le miséricordieux Henri, le glorieux César, se hâte d’accourir à tes noces… »

Voici un autre passage :

« Veillez donc tous, et levez-vous devant votre roi, ô habitans de l’Italie ! Ne lui rendez pas seulement obéissance ; rendez-lui aussi le gouvernement. Ne vous levez pas seulement devant lui : manifestez votre révérence à son aspect, vous tous qui buvez à ses fontaines, qui naviguez sur ses mers, qui foulez le dos des îles et les sommités des Alpes qui sont à lui, vous tous qui ne possédez les choses publiques et les choses privées qu’en vertu du lien de sa loi… »

Ces traits n’ont pas été choisis dans la pièce dont ils sont tirés : tout, dans cette pièce, est de ce ton ; on y trouve partout le même accent de bonheur et d’espérance. Henri vii eût-il été le plus grand et le plus puissant des hommes, aurait eu bien de la peine à remplir des espérances si exaltées ; et Henri vii n’était qu’un prince bien intentionné, médiocre en toute chose, et qui s’était laissé prendre un peu légèrement à cette vieille illusion du nom et des droits de l’empire romain sur l’Italie moderne.

Henri vii ne parut en Italie que vers la fin d’octobre 1310. De Suze il se rendit à Turin, et de Turin à Milan. Ce trajet fut un triomphe pour lui : partout où il passa, il fut accueilli avec des transports de satisfaction ; il fit partout, et partout heureusement, acte de pouvoir : il fit rentrer dans chaque ville les exilés de tout parti, et mit dans chacune un vicaire impérial, ayant la suprématie sur toutes les magistratures italiennes. Arrivé à Milan, vers la fin de décembre, il s’y établit pour quelque temps, afin de s’y faire couronner roi d’Italie, et de concerter ses opérations ultérieures avec ses partisans que l’on vit accourir en foule de tous côtés.

Les petits despotes, qui avaient usurpé la seigneurie de leurs villes, y vinrent faire confirmer leur usurpation par des diplômes. Les vieux chefs du parti gibelin accoururent se ranger sous la bannière impériale, sûrs cette fois, à ce qu’ils se figuraient, de recouvrer leurs honneurs et leurs châteaux perdus. Presque toutes les villes de la Lombardie et de la marche de Vérone lui envoyèrent des députés, pour l’assurer de leur soumission.

Les exilés florentins arrivèrent de leur côté, pour se grouper, avec les autres, autour du sauveur commun. Dante, qui s’était fait comme le précurseur de ce nouveau messie, ne pouvait être moins pressé qu’eux de lui rendre hommage. Il est certain qu’il eut avec Henri vii une entrevue dont on ignore les détails. On a seulement des raisons de croire qu’il chercha à convaincre l’empereur de l’importance dont il était pour lui de