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femmes, qui augmenteront mon sérail, en vin de Chypre, en vin de Chio, en éloges encore, si vous voulez, en injures même (c’est un prospectus), en chaînes d’or et de diamans, en fleurs nouvelles, en parfums d’Arabie ! Payez, payez, donnez-moi tout cela pour une phrase.


« Et je suis gentilhomme aussi, moi ! ne me prenez pas pour un manant. Le vin coule chez moi, les femmes y sont belles, grasses, riantes ; on les soigne quand elles accouchent ; on les pare quand elles sortent ; voulez-vous un cheval barbe, un pourpoint d’or, une médaille ou un portrait ? avez-vous besoin de cent scudi ? À votre service, gentilhomme ; puisez dans la bourse d’un gentilhomme, d’un homme libre par la grâce de Dieu, Uomo libero, per la grazia Divina. »

Rien de l’Arétin n’existe, que son nom.

Ce nom est infâme ; plus infâme que n’était l’homme !…

Excusez donc, si vous l’osez, la non-moralité des actes, l’absence de l’art, — l’art considéré comme gagne-pain, — l’art sans cœur, — l’art au service du ventre et des sens ; — il déflore le style ; il tue l’idée, il abîme l’intelligence ; il anéantit la puissance. Lui aussi méprisait le passé, — mille lettres de lui le prouvent ; — il méprisait l’avenir ; l’avenir le montre au doigt ; les femmes se détournent quand on prononce son nom ; — les plus riches bibliothèques n’ont pas ses œuvres. On ne sait plus qu’il avait du génie. Tout ce que Dieu lui avait donné de puissance, de vivacité, d’activité, de verve, de vigueur, d’éclat, d’énergie, d’esprit, d’à-propos ; il l’a enseveli et sacrifié au bien-vivre. Il est condamné d’un juste jugement.


Philarète Chasles.