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Ce qu’il y a de génie et de force dans l’Orazia, appartient à l’artiste plus qu’au poète. C’est la tragédie historique avec le mouvement extérieur des coutumes et des mœurs. Les sentimens y sont peu approfondis ; le dialogue vif et brillant est d’une énergie souvent hasardée ; les caractères, seulement indiqués, n’offrent pas ces nuances délicates, nombreuses, complexes, étudiées, dont Shakspeare est rempli. L’Orazia rappelle les compositions pittoresques de Pietre de Cortone, un peu lâches de style, pleines d’attitudes variées, faciles, fécondes, et animées d’une verve qui excuse plus d’un défaut.

Ce drame aurait dû suffire à la gloire de son auteur ; et c’est de tous les nombreux écrits du poète, le plus inconnu.


Tragédies, comédies, épopées, dissertations, biographies, odes, dialogues, sonnets, toute la littérature du temps est chez l’Arétin. Il produisit le même effet que Voltaire, au xviiie siècle ; il fut l’esprit-géant, l’homme unique. Aujourd’hui ses Comédies, celles de ses œuvres qui ont le plus de vitalité, ne se trouvent nulle part ; et sa tragédie d’Orazia est l’un des livres les plus rares qui existent. Le critique ne peut rassembler les titres de cette immense renommée ; nous qui l’avons suivi avec tant de minutie et de soin à travers sa vie singulière, nous avons eu peine à réunir les matériaux nécessaires pour apprécier son talent célèbre et perdu ; à sauver les débris de ce naufrage d’une gloire autrefois si puissante.


Ce que c’est que la gloire, et la gloire contemporaine ! pauvre chose, hélas ! du bruit ; une cloche frappée par un battant ; mille voix qui s’élèvent d’une Babel confuse : calomnie, médisance, scandale, envie, murmures, mille choses ignobles et basses ; une Folie de carnaval, couverte de grelots qui bruissent, faisant retentir ses trompettes de cuivre ; obscène, immonde, aimant les carrefours autant que les palais, et traînant sa robe bigarrée dans la fange ; c’est cette gloire qui rapporte le plus. Elle sème sur la tête de l’homme hardi qui l’adopte, une pluie de boue et d’or, un nuage d’encens et de fumée ; après la mort, elle s’évanouit et ne laisse, comme ces flambeaux qui s’éteignent, qu’une saveur infecte qui prend à la gorge.