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REVUE DES DEUX MONDES.

L’étranger. — Pourquoi cela ?

Le gentilhomme. — Nous l’aurions encore ; la méchanceté ne quitte pas le monde.

L’étranger. — Ma foi ! c’est vrai. Et de qui donc est la pièce ? du gentil Molza, du Bembo père des Muses, du Ricco ou Guidiccione ?

Le gentilhomme. — Non, vraiment, tous ces gens-là sont mieux occupés.

L’étranger. — L’œuvre sera donc de quelque pécore, fruges consumere, etc. Quel déluge de poètes ! Il y en a autant que de luthériens. Nos forêts métamorphosées en lauriers ne suffiraient pas à couronner tous ces petits poètes et tous ces petits commentateurs, crucifiant sans pitié l’auteur auquel ils s’attachent, et lui faisant dire tout ce qu’il ne confesserait assurément pas quand on lui donnerait cent coups de bâton. Il n’y a que cet excellent Dante qui, à force de diableries, ait effrayé tout le monde ; depuis qu’il est sur le chevalet des commentateurs, ils n’ont su que faire de lui. — Est-ce le Tasse qui est l’auteur de la pièce ?

Le gentilhomme. — Non, il est occupé chez le prince de Palerme, dont la courtoisie lui a donné asile. Cette trame de comédie est tissue par Pierre Arétin.

L’étranger. — Je veux l’entendre. Où se passe la scène ?

Le gentilhomme. — À Rome, ne le voyez-vous pas ?

L’étranger. — C’est là Rome, miséricorde ? je ne l’aurais jamais reconnue.

Le gentilhomme. — Rappelez-vous que les Espagnols se sont chargés de la purger de ses péchés. Effaçons-nous un peu, et si vous voyez paraître sur la scène plus de cinq personnes, contre toutes les règles, ne vous en étonnez pas : les digues d’autrefois n’arrêtent plus les fous d’aujourd’hui ; et puis le style comique ne s’astreint guères à la loi sévère que l’on subissait jadis. Voulez-vous que la Rome moderne parle et agisse comme l’Athènes des anciens jours ?

L’étranger. — Tout le monde sait cela.

Le gentilhomme. — Voici venir Messire Maco. Taisons-nous.


L’hypocrite ne répond pas plus à son titre que la Courtisane ne répond au sien. C’est une pièce remplie de finesse d’observation, et où un homme rusé, espèce de Figaro mystique, fait agir tous les ressorts de l’intrigue et de l’adresse, et sert à la fois ses intérêts et ceux de la famille dans laquelle il s’est introduit : Machiavel au petit pied, Tartuffe qui réussit, qui fait sa fortune sans nuire à