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des louanges que j’ai chantées à l’un et à l’autre. » Ce Doni fit, avec moins de génie et d’audace, à peu près le métier de l’Arétin. Comme lui, il changeait de patron, vendait sa plume, et ne voulait qu’écrire vite : « Mes livres sont écrits, disait-il, avant d’être composés, lus avant d’être imprimés. »

Comme poète, l’Arétin mérite peu d’éloges ; ses vers sont durs et rocailleux, et l’on ne retrouve quelque talent que dans ses Stranbotti ou chansons bouffonnes, et dans ses Capitoli burlesques.


Quel était donc son génie ? La facilité, la verve dramatiques. Il a fait plus vivement que l’Arioste, et même que Machiavel, la comédie aristophanique. Dans une société pétrie de sang, de boue et de volupté, il ne prit pas sans doute la haute position dont se seraient emparés Aristophane ou Cervantès. Il aperçut les vices de son temps en homme vicieux qui s’en amuse et qui les fait se jouer et se heurter pour ses menus plaisirs. Telle devait être la comédie d’une civilisation sans base ; une satire licencieuse, sans plan, sans haute portée, allant à l’aventure, et flétrissant tout sur sa route.

Il débuta par le Maréchal dont on retrouve le principal caractère dans une des pièces de Shakspeare, l’intrigue dans un drame singulier de Jonson, et une scène tout entière dans le Pantagruel de Rabelais. Il n’y a pas de sujet dans cette pièce dont le pivot comique est le caractère du Maréchal, ou grand-écuyer, qui se marie pour flatter son maître le duc de Mantoue, et lui obéit en enrageant d’épouser une femme qu’il n’a jamais vue. Pendant cinq actes, les préparatifs du mariage crucifient le Maréchal. Tel voisin vient lui demander comment il se tirera de là ; tel autre lui fait une peinture effrayante des malheurs du mariage ; enfin la pompe nuptiale s’avance : la haine et la terreur que le mariage inspire au Maréchal n’ont pas cessé d’augmenter ; et quand on soulève le voile qui couvre la fiancée, on reconnaît un jeune page qui a consenti à jouer ce rôle pour mystifier le Maréchal. — « Riez tant que vous voudrez, s’écrie-t-il ; j’aime mieux que l’on se moque de moi pour une chimère que d’avoir à pleurer toute ma vie la réalité de l’hymen. »

Il n’y a pas le même vide d’action dans la Courtisane, pièce que l’on