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Dante.

parti contre Florence, avait déjà eu des relations et formé des liaisons avec les trois frères della Scala, et obtenu un secours de troupes de Bartolomeo, l’aîné des trois, qui dominait alors, et mort depuis (7 mars 1304).

Au surplus, Dante ne fit pas cette fois un long séjour à Vérone. On a la certitude qu’au mois de juillet 1306, il était à Padoue, où il avait rencontré une haute et belle dame qui lui inspira des chants d’amour. Quelques semaines plus tard, il était à Castel-Nuovo près de Sarzana, où il négocia un accommodement entre un des seigneurs Malaspina et l’évêque de Luni. Ces faits sont attestés par des documens. Des documens d’une autre espèce, des pièces de vers composées peu avant ou peu après les époques indiquées, renferment des indices certains de son séjour dans les solitudes de l’Apennin, probablement dans quelqu’un des nombreux châteaux des comtes Guidi. En somme, le pauvre exilé avait déjà, dès 1307, beaucoup erré en Italie ; il savait déjà par expérience ce qu’il devait dire plus tard : « Combien l’escalier d’autrui est un sentier rude à monter et à descendre ! »

Du reste, quelque chose de plus intéressant que de pouvoir dire où Dante passa les trois ans dont j’ai parlé, c’est de savoir à quoi il les employa. Or, il est constaté que ce fut à la composition de divers ouvrages qui nous sont restés. Dans ce nombre, il faut comprendre le Banquet, il Convito, ouvrage des plus étranges, qui ne fut point terminé, et dont nous verrons plus tard que l’auteur avait voulu faire une sorte de cadre dans lequel il se proposait d’étaler les diverses branches de son savoir.

Au même intervalle doit être rapportée la composition d’un ouvrage moins volumineux que le Convito, mais à tous égards plus intéressant, le traité latin De vulgari Eloquentiâ, traité dont je m’abstiens à dessein de parler ici, me proposant de m’en occuper en une autre occasion d’une manière spéciale.

Le dessein et l’espoir de Dante, en composant ces ouvrages, étaient d’accroître sa renommée de lettré et de savant, et de disposer d’autant mieux par là les Florentins à bien accueillir les démarches qu’il faisait pour rentrer à Florence. Indépendamment de plusieurs lettres qu’il écrivit à divers membres du gouvernement pour expliquer et justifier sa conduite dans les affaires de son pays, il adressa au peuple entier de Florence une longue apologie, qui commençait par cette interpellation pathétique : — « Ô mon peuple, que t’ai-je fait ? » — Toutes ces lettres, toutes ces apologies, qui seraient si précieuses pour la biographie de Dante, et même pour l’histoire de Florence, sont aujourd’hui perdues ; mais elles existaient encore au xve siècle : Leonardo d’Arezzo les connaissait et les