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et de la Yungfrau. Plus la nuit s’épaississait, plus le fond du tableau devenait rouge, et plus je voyais se dessiner d’une manière bizarre les objets placés sur les plans intermédiaires. Nous fîmes ainsi sept lieues, marchant toujours vers l’incendie, qu’à chaque instant nous semblions près d’atteindre, et qui reculait toujours devant nous. Enfin nous aperçûmes la silhouette noire de Brieg : à peine parut-elle d’abord sortir de terre ; puis petit à petit elle grandit sur le rideau sanglant de l’horizon, comme une vaste découpure noire. Bientôt nous ne vîmes plus de l’incendie qu’une lueur flamboyant à l’extrémité des dômes d’étain qui couronnent les clochers ; enfin il nous sembla que nous nous enfoncions dans un souterrain sombre et prolongé. Nous étions arrivés ; nous dépassions la porte, nous entrions dans la ville, muette, calme et endormie comme Pompeia au pied de son volcan.


xiii.

OBERGESTELEN.


Brieg est situé à la pointe occidentale du Kunhorn, et forme l’extrémité la plus aiguë de l’embranchement des routes du Simplon et de la vallée du Rhône. La première, large et belle, s’avance vers l’Italie par la gorge de la Ganter ; la seconde, qui n’est qu’un mauvais sentier étroit et capricieux, traverse rapidement la plaine, pour aller s’escarper au revers méridional de la Yungfrau, et s’enfoncer dans le Valais, jusqu’à ce que la réunion du Mutthorn et du Galenstock ferme ce canton avec la cime de la Furca : alors il redescend de cette cime avec la Reuss jusqu’à ce qu’il rencontre à Andermat le chemin d’Uri, dans lequel le pauvre sentier se jette comme un ruisseau dans une rivière.

C’est dans ce dernier défilé que je m’engageai à pied le lendemain de mon arrivée à Brieg : il était cinq heures du matin lorsque je sortis de la ville, et j’avais douze lieues de pays à faire, ce qui