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couronner, et malheureusement oindre aussi quelque peu à Berlin, et il régna depuis lors sur la philosophie allemande.

Notre révolution philosophique est terminée ; Hegel a fermé ce grand cercle. Nous ne voyons plus maintenant que développemens et perfectionnemens de la philosophie de la nature. Celle-ci, comme je l’ai déjà dit, a pénétré dans toutes les sciences et y a produit les résultats les plus extraordinaires et les plus grandioses. Il a fallu, comme je l’ai aussi indiqué, supporter en revanche beaucoup de manifestations contrariantes. Tous ces faits se sont produits en si grand nombre et sous tant de formes, qu’il faudrait un livre exprès pour les décrire. C’est ici la partie véritablement intéressante et colorée de notre histoire philosophique. Je suis pourtant convaincu qu’il sera plus utile pour les Français de n’en rien connaître (au moins pour le moment), car ces explications pourraient contribuer à embrouiller encore plus les têtes en France ; beaucoup de notions de la philosophie de la nature, détachées de leur ensemble, pourraient faire beaucoup de mal chez vous. Je sais au moins que, si vous aviez connu, il y a quatre ans, une partie de cette philosophie, vous n’auriez jamais pu faire la révolution de juillet. Il fallait, pour cette circonstance, une concentration de pensées et de forces, une généreuse unité, une certaine vertu, une irréflexion suffisante, telle que votre vieille école pouvait seule le permettre. Des données philosophiques qui servent au besoin à justifier la légitimité et la doctrine de l’incarnation, auraient étouffé votre enthousiasme et paralysé votre courage. Je regarde donc comme un fait très important dans l’histoire du monde, que votre grand éclectique, qui voulait alors vous enseigner la philosophie allemande, n’en ait pas compris le premier mot. Son ignorance providentielle fut salutaire à la France et à toute l’humanité.

Hélas ! la philosophie de la nature qui, dans mainte région de la science, et surtout dans les sciences naturelles, a produit les fruits les plus magnifiques, a engendré ailleurs l’ivraie la plus nuisible. Pendant que Oken, un des plus grands penseurs et des plus grands citoyens de l’Allemagne, découvrait de nouveaux mondes d’idées et exaltait la jeunesse allemande pour les droits imprescriptibles du genre humain, pour la liberté et pour l’égalité… hélas ! à la même époque, Adam Müller enseignait, d’après les principes de la philo-