Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/654

Cette page a été validée par deux contributeurs.
654
REVUE DES DEUX MONDES.

plus, il m’a fait sur mes desseins des difficultés qui prouvaient qu’il ne connaît pas assez notre position en Saxe… Tous ces jours-ci je n’ai rien fait ; cependant je vais me remettre au travail, et abandonner le reste à la grâce de Dieu

« Du 6. J’ai été invité chez Kant, qui m’a proposé de vendre au libraire Hartung, par l’entremise du pasteur Borowski, mon manuscrit de la Critique de toutes les révélations. « Il est bien écrit, » m’a-t-il dit quand je lui ai parlé de le refaire… Est-ce vrai ? c’est pourtant Kant qui le dit ! — Du reste il a décliné l’objet de ma première demande. — Le 10, j’ai été dîner chez Kant. Rien de notre affaire : maître Gensichen était là. Nous n’avons eu qu’une conversation générale presque toujours intéressante. D’ailleurs, Kant est demeuré tout-à-fait le même à mon égard.

« Du 13. J’ai voulu travailler aujourd’hui et je ne fais rien. L’inquiétude m’accable. Comment cela finira-t-il ? Que deviendrai-je dans huit jours ? Alors tout mon argent sera épuisé. »

Après avoir erré beaucoup, après un long séjour en Suisse, Fichte trouve enfin à Jéna une position stable, et c’est de là que date sa période la plus brillante. Jéna et Weimar, deux petites villes saxonnes peu éloignées l’une de l’autre, étaient alors le point central de la vie intellectuelle en Allemagne. À Weimar étaient la cour et la poésie ; à Jéna, l’université et la philosophie. Là nous voyons les plus grands poètes allemands, ici les plus grands savans. C’est en 1794 que Fichte commença son cours à Jéna. L’époque est significative et explique l’esprit de ses écrits d’alors, ainsi que les tribulations auxquelles il fut en butte depuis ce temps, et qui le firent succomber quatre ans plus tard ; car c’est en 1798 que s’élevèrent contre lui les accusations d’athéisme, qui lui attirèrent des persécutions insoutenables, et déterminèrent son départ de Jéna. Cet évènement, le plus remarquable de la vie de Fichte, a aussi une importance générale, et nous ne pouvons nous dispenser d’en parler. C’est ici que viennent se placer naturellement les idées de Fichte sur la nature de Dieu.

Fichte fit imprimer dans le Journal philosophique, qu’il publiait alors, un article intitulé : Développement de l’idée de religion, que lui avait envoyé un nommé Forberg, instituteur à Saalfeld. Il joignit à cet article une petite dissertation explicative qui avait pour