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l’existence d’un Être suprême. Quoique la réfutation de ces argumens ne tienne pas beaucoup de place et ne vienne que dans la seconde moitié du livre, elle est amenée de loin avec la plus grande prévoyance, et rentre dans les points culminans de l’ouvrage. Elle se rattache à la Critique de toute théologie spéculative, et c’est là que s’évanouissent les derniers fantômes des déistes. Je dois remarquer que Kant, en attaquant les trois sortes de preuves de l’existence de Dieu, c’est-à-dire la preuve ontologique, la cosmologique et la physicothéologique, peut détruire les deux dernières plus facilement que l’autre. J’ignore si ces dénominations sont connues ici, et je cite en conséquence le passage de la Critique où Kant en formule la distinction :

« Il n’y a de possibles que trois sortes de preuves de la raison spéculative en faveur de l’existence de Dieu. Toutes les routes qu’on peut prendre pour atteindre ce but commencent ou à l’expérience déterminée et à la propriété particulière du monde sensible reconnue par cette expérience, et s’élèvent de là, selon les lois de la causalité, jusqu’à la cause suprême en dehors du monde ; ou bien elles s’appuient à une expérience indéterminée, par exemple, à une existence quelconque ; ou enfin elles font abstraction de toute expérience, et concluent, tout-à-fait à priori, de pures idées à l’existence d’un Être suprême. La première preuve est la preuve physico-théologique, la seconde la cosmologique, et la troisième l’ontologique. Il n’en existe pas et il n’en peut exister davantage. »

Après une étude souvent reprise du livre principal de Kant, j’ai cru reconnaître que la polémique contre ces preuves de l’existence de Dieu s’y montre partout, et j’en parlerais longuement si je n’étais retenu par un sentiment religieux. Il me suffit de voir quelqu’un discuter l’existence de Dieu, pour sentir en moi une inquiétude aussi singulière, une oppression aussi indéfinissable que celle que j’éprouvai jadis à Londres, quand, visitant New-Bedlam, je me vis seul et abandonné par mon guide au milieu d’une troupe de fous. Dieu est tout ce qui est. Douter de lui, c’est douter de la vie elle-même ; ce n’est pas moins que la mort.

Autant la discussion sur l’existence de Dieu mérite le blâme autant est louable la méditation sur la nature de Dieu. Cette méditation est un véritable culte ; notre ame se détache du périssable