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REVUE. — CHRONIQUE.

aiment la royauté de Louis-Philippe tant qu’ils sont ministres ; s’ils finissent, ils veulent qu’elle finisse comme eux, et se disent philosophiquement : omnes eodem cogimur.

Mais la pensée suprême a aussi ses finesses et ses replis. Elle a vu où tendaient tous ces mouvemens, et au moment où on le croyait irrévocablement enlacé et pris sans retour dans le filet doctrinaire, le lion royal s’est dégagé d’un coup de dent. Pour parler plus net, il paraît que le roi s’est opposé, avec une vigueur peu commune, au projet de discours d’ouverture de la session, apporté hier au conseil par M. Thiers et M. Guizot, dans lequel la royauté brisait avec les factieux du tiers-parti, et se mettait dans l’alternative de garder les ministres actuels ou de dissoudre la chambre. Nous aurions eu sans doute alors en France comme en Angleterre le spectacle d’une réélection générale, et de la chute du ministère devant une chambre nouvelle ; mais il n’en sera pas ainsi, et il est probable que, si le ministère du duc de Wellington dure seulement dix jours, comme le dernier, il aura survécu au ministère, déjà trois fois restauré, du 11 octobre.

Si le ministère Wellington restait alors debout, il serait peut-être destiné à se retrouver en face du ministère de M. Molé, qui le décida en 1830 à reconnaître la révolution de juillet, et prépara, par son attitude honorable, l’alliance de l’Angleterre et de la France.

En définitive, la chambre paraît décidée à repousser l’immoralité politique dans la personne de M. Thiers, les doctrines de la restauration dans celle de M. Guizot, et l’absence complète de principes dans quelques autres de leurs collègues. La chambre, comme le pays, a été frappée de dégoût à la vue des manœuvres éhontées et de l’audacieuse rouerie que les ministres actuels ont employées à se maintenir en place. La France est lasse d’être traitée comme un enfant à qui on fait peur, lasse d’être le jouet d’hommes sans conscience qui la tiennent depuis deux ans au régime des scandales, des tripotages les plus honteux, des menaces et des fausses promesses, et quels que soient les tours de passe-passe que les ministres actuels lui préparent encore, elle saura leur échapper.