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encore anonymes. M. Peel, qui se trouve au fond de l’Italie, et sur lequel on compte comme on comptait ici sur M. Bresson, sir Robert Peel, l’orateur du ministère, se trouvera dans une situation difficile, devant une chambre des communes qui lui est hostile. Sans doute il fera ce que Pitt fit à son avènement, il la dissoudra, et travaillera habilement la chambre nouvelle ; mais la chambre ne se recrute plus par des bourgs-pourris, l’Angleterre est attentive à ses élections, et ce serait risquer gros jeu que de lui procurer, comme alors, une guerre contre la France pour la distraire.

Ce n’est pas d’ailleurs avec notre ministère actuel qu’elle pourrait avoir lieu. La résistance commencée au 13 mars, à l’avènement de Casimir Périer, a bien changé de nature et de but depuis la mort de ce vigoureux ministre. Le ministère du 11 octobre n’a, il est vrai, à la bouche, que le nom de Casimir Périer, et plus de cinquante colonnes d’élégies et de panégyriques sur sa vie et sa mort remplissent les journaux du pouvoir, à chaque ébranlement ministériel. À sa mort, on fut bien tenté de faire ce que firent les généraux de l’armée du Rhin à la mort de M. de Turenne ; ou eût volontiers assis le défunt, couvert d’un manteau, à son banc, au milieu de la chambre, pour faire croire qu’il existait encore. L’ombre de Périer est la nymphe Égérie des Numa du ministère. On veut avoir l’air de ne gouverner que par ses traditions et par sa volonté, qu’on n’écoutait guère quand il était au pouvoir, qu’on travestissait autant que possible et dont on se moquait bravement entre soi, quand on était sûr qu’il ne pouvait entendre. Mais nos ministres et leurs journaux ont beau faire, sous la peau de Casimir Périer dont ils s’affublent, on voit passer les oreilles de M. Thiers qui se lève sur ses pieds et grossit sa voix pour effrayer le pays. Cette longue mystification touche enfin à son terme, et les causes qui l’ont prolongée si long-temps ne sont rien moins qu’honorables pour ceux qui en ont fait leur profit.

En Angleterre, les hommes d’état, quels que soient leur mérite et leur influence, apportent au ministère des opinions franches et tranchées. C’est la condition à laquelle on prend et on garde le pouvoir. On sait ce que sont lord Grey, lord Brougham, lord Durham et lord Wellington. Lord Grey avait-il assez nettement annoncé son but et sa marche quand il prit le ministère ? Canning avait-il été moins franc quand il envoya, par le monde entier, la devise qu’il voulait inscrire sur sa bannière ministérielle ? Lord Brougham, qui a hésité un moment dans les derniers mois de son ministère, n’a pas laissé soupçonner la moindre ambiguïté dans ses sentimens, depuis sa lettre aux électeurs de Londres. On sait bien où tendra lord Durham s’il arrive à la direction des affaires, et dans peu de jours, on saura ce que veut lord Wellington. Mais que représentent les opinions