Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/623

Cette page a été validée par deux contributeurs.
619
REVUE. — CHRONIQUE.

viendront-ils, sinon des villes sur lesquelles le ministère lui-même n’ose pas compter ? La seule chance de maintien qu’il ait, c’est que les élections lui envoient pour adversaires plus de whigs modérés que de radicaux. Il pourra alors s’entendre avec la majorité, mais à la condition de continuer le ministère Grey et le ministère Melbourne, avec la presque certitude de perdre ses voix dans la chambre des lords. Ce serait bien la peine d’être ministre et de se nommer Peel et Wellington !

On dit, il est vrai, que le parti des whigs modérés se grossit beaucoup en Angleterre, que la crainte du désordre y forme un juste-milieu qui s’étend à chaque heure ; que toute la Cité, que toutes les populations des grandes villes, dont le bien-être dépend de la paix et de la prospérité du commerce, renoncent depuis quelque temps à leurs vieilles habitudes d’opposition innées de temps immémorial dans le bourgeois d’Angleterre ; en un mot, que le pouvoir se fonde de plus en plus sur la peur publique, et se consolide sur les bases où nos habiles hommes d’état l’ont assis depuis quatre années en France.

Cela se peut, cela est probable, mais cela ne consolidera pas le ministère Wellington, qui n’a d’autre alternative que de continuer les whigs, de marcher sur les traces de Grey et de Brougham, et par conséquent de s’exposer comme eux à être débordé par lord Durham et le radicalisme, ou de se placer comme ministère de résistance, conduit par le plus vigoureux sabre de l’Angleterre, et prêt à trancher par la brutalité, à terminer par l’intervention de la force militaire, toutes les questions embarrassantes. Or, ce dernier système aurait peu de succès auprès du whighisme ou du juste-milieu, qui devient, dit-on, si compact depuis quelque temps. Les whigs, même les plus effrayés, auront assez de bon sens pour sentir que cette résistance ne se ferait pas à leur profit, et qu’en renvoyant lord Melbourne pour prendre lord Wellington, ils auraient échangé le soliveau contre la cigogne. En France, quand la majorité des chambres et du pays, on peut dire, se ralliait à Casimir Périer, qui venait aussi, comme Wellington, se mettre en travers du torrent révolutionnaire, elle savait qui elle prenait pour bouclier et pour guide. Casimir Périer était un homme de la révolution de juillet, il voulait une partie de ses conséquences, il avait intérêt à les vouloir ; son existence tout entière se liait à l’émancipation populaire. La France fut alors prudente ou timide, poltronne ou habile, bien ou mal avisée, nous n’en jugeons pas ; mais elle fut pleine de bon sens, comme elle est presque toujours ; jamais elle n’eût prêté ses forces de résistance à M. de Polignac ou à M. de Villèle.

La question de l’église gallicane, qui se présente d’abord, va causer un cruel embarras au ministère Wellington et Peel, et à ses autres membres