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LA DERNIÈRE CRISE MINISTÉRIELLE.

dis que M. Sauzet, arrivant de Lyon au milieu de ces déconfitures, refusait le portefeuille qui lui était confié.

Mais comment était-il possible à M. de Bassano de songer à former un ministère dans cette fraction de la chambre qui seule pouvait entrer aux affaires, et qui venait de donner un spectacle si ridicule ? Accepter à l’étourdie, sans antécédens, sans préparation, une haute position politique, et puis s’en séparer sans motifs, l’abdiquer sans essayer ses forces ; expression d’un parti, le tuer à plaisir ; se poser comme un système et abandonner le pouvoir sans tenter un triomphe possible : tout cela, n’était-ce pas se perdre, se ruiner dans l’opinion du pays ? On voyait que le caractère de M. le président Dupin avait passé par là, cet esprit de témérité, d’inconséquence, de ténacité et de dégoût, de force et de faiblesse, ces brusques passages, cette transition sans motifs, cette incandescence de pensée. La coterie s’était une fois dessinée ; elle avait avorté le pouvoir. Quand tout fut ainsi perdu pour la combinaison de M. Dupin, le souci du président de la chambre ne fut désormais que de renier son ouvrage ; il se hâta d’aller dans les journaux qui reçoivent ses inspirations ; là, tout fut démenti.

Et sa conférence avec M. Persil ?

Et l’entrevue avec MM. Passy, Calmon, Teste ?

Et la liste ministérielle envoyée au roi ?

Qui sait ? peut-être on les démentira encore !

Heureusement pour l’histoire grande et solennelle, l’autographe existe ; je le répète, un maréchal de France la garde, et la garde bien !

§. v. — LE MINISTÈRE GUIZOT ET THIERS.

MM. Guizot et Thiers s’étaient réunis dans la disgrâce ; déjà très rapprochés aux derniers jours de leur administration, ils avaient manifesté une ferme volonté de rentrer au pouvoir, en pleine communauté, avec MM. de Rigny, Humann et Duchâtel, qui s’étaient adjoints à eux dans une démission commune ; quoiqu’ils eussent affaibli autant que possible la combinaison ministérielle Bassano, et qu’ils se réservassent de la faire tomber, par mille causes diverses, au sein du château et des chambres, ils n’espéraient pas une ruine si prochaine et si subite. Chaque soir, on se réunissait chez MM. Bertin de Vaux et de Broglie ; on discutait les chances de vie et de mort du nouveau pouvoir, et les moyens de l’affaiblir. Aux Tuileries, les amis du ministère grandissaient auprès du roi les réputations