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Teste ? On ne prévit rien, et les articles de journaux commencèrent le lendemain à porter le ravage dans ces consciences.

En même temps les ministres se réunissaient, et déjà une première pomme de discorde était jetée : il s’agissait d’arrêter un programme politique ; ce qu’on aurait dû faire avant, on voulait le faire après ; les conditions qu’on devait mettre à l’acceptation, on les imposa après le fait accompli. Ici était encore la grande erreur. Un programme public jeté en pâture aux journaux est une faute politique ; quand des hommes s’associent dans un gouvernement, ils doivent sans doute arrêter des principes ; mais les donner comme une affiche de théâtre, c’est de la niaiserie que les mœurs constitutionnelles d’Angleterre n’ont jamais comprise. Cette discussion s’entama pourtant, et par qui ? par M. Persil.

On avait répandu par le monde quelques mots de M. de Bassano, si connus et si commentés par les journaux ; ces mots faisaient croire à un changement de système, à une séparation complète d’avec les principes et les hommes qui jusqu’alors avaient dirigé la politique de la France ; ils servirent de base à des explications qui furent demandées dans le premier conseil, par M. Persil, sur la marche qu’allait suivre le cabinet : « Qu’entendait-on par un changement ? Voulait-on renier tout le passé politique du cabinet du 11 octobre ? Certes le roi n’avait pas voulu, en prenant de nouveaux ministres, se séparer d’une politique qui avait affermi l’état. Dans tous les cas, s’il en était ainsi, lui, M. Persil, devait naturellement se retirer pour ne pas donner appui à des idées contre lesquelles il avait ardemment combattu ; n’était-il pas dans la même position que M. de Chabrol en 1828, donnant sa démission lorsque M. de Martignac se sépara complètement du système de M. de Villèle ? » La position du cabinet était donc celle-ci : d’une part, nécessité pour le ministère de se séparer de l’ancien système, afin d’obtenir l’assentiment de l’opinion et de la presse ; de l’autre, obligation non moins impérieuse de rester dans les anciens élémens, s’il voulait mériter la confiance du roi, et ne point se dissoudre dès son origine.

Je dois noter que le roi avait dit quelque chose du programme à M. de Bassano, à l’occasion des mots qu’on lui prêtait dans le public. « Il serait bien nécessaire de nous expliquer sur ce point, avait dit Louis-Philippe. » M. de Bassano répondit que les mots qu’on lui prêtait étaient vieux de deux ans, et qu’il les avait dits à M. Casimir Périer ; au reste, qu’il ne s’en défendait pas. Louis-Philippe n’insista pas davantage, mais le soir au conseil, M. Persil demanda à ses collègues la permission de lire un projet d’article qu’on devait envoyer au Moniteur. À peine les premières phrases étaient-elles achevées, qu’un murmure de désapprobation accueillit