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DES ORIGINES DU THÉÂTRE EN EUROPE.

tionnel. Dans les origines du théâtre européen, le principe actif et novateur appartient au christianisme et à l’église. Quant à l’élément traditionnel, il nous faut le chercher et le déterrer, pour ainsi dire, sous les débris et la poussière du théâtre antique.

En effet ce ne fut qu’au XVIe et XVIIe siècle que le théâtre européen commença à se rattacher au théâtre officiel et littéraire de l’antiquité. Jusque-là le drame moderne n’avait confiné à celui des anciens que par le côté trivial et populaire. Le moyen-âge n’a pas connu le grand théâtre antique : à peine les barbares ont ils entrevu les derniers amphithéâtres, et entendu le dernier écho de la dernière comédie grecque ou latine. En Grèce, dès le temps de Démosthène, le théâtre officiel était en décadence ; il languit sous la tyrannie macédonienne, et fut presque anéanti sous la domination romaine et proconsulaire. Peu de provinces de l’empire, soit en Orient, soit en Occident, demeurèrent assez riches pour supporter les frais si dispendieux de la mise en scène des tragédies et des comédies, composées dans l’ancien système. Les chœurs surtout durent disparaître. Les magistrats, chargés de subvenir à la pénurie publique finirent par s’exempter autant qu’il le purent de ces prodigalités ruineuses. Quand les villes n’eurent plus ni liberté nationale, ni richesses publiques, elles durent bientôt cesser d’avoir des théâtres publics et nationaux. Mais comme les fortunes des particuliers se défendirent et subsistèrent plus long-temps que les richesses nationales, les théâtres privés se prolongèrent plus avant dans les temps modernes que les théâtres nationaux. Et comme esclave ou libre, conquis ou conquérant, il y eut toujours un peuple avide de plaisirs scéniques, le théâtre populaire et compital ne disparut à aucune époque. Les jeux du paganisme se lièrent ainsi sans interruption ni lacune aux jeux des chrétiens et des barbares. De là tant de folies païennes christianisées ; de là les plantations d’arbres ou de mais, la coupe des rameaux, le roi de la fève, les étrennes et les mille et une autres contrefaçons des Saturnales, les jeux scéniques aux funérailles, et une foule de jongleries et de momeries qui procèdent directement de l’élément traditionnel.

Quant à l’élément actif et spontané, c’est encore faute d’avoir fait une attention suffisante à tout ce qu’il y eut de profondément