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nes, ne vous ont pas laissé ignorer qu’à côté du théâtre public, solennel, national des Accius et des Sophocle, des Aristophane et des Térence, il y eut à Athènes et à Rome des théâtres privés, des ballets à huis-clos, de petites pièces domestiques sans cothurnes et sans masques, complément ordinaire de tous les festins splendides. Muratori, Montfaucon, Flögel, Boulanger, Böttiger, ont recueilli une foule de documens sur les Stolidi et les Moriones, nains idiots et contrefaits, commensaux des riches, joujoux des gynécées, ancêtres et précurseurs de nos fous de cours. Quant au théâtre populaire, les peintures et les bronzes d’Herculanum, les mosaïques, les bas-reliefs, les pierres gravées, les monumens de toute espèce attestent assez que la populace antique, outre les grandes boucheries de l’amphithéâtre, et les grands jeux scéniques, n’a pas manqué, plus que la nôtre, de toutes les variétés de saltimbanques, de faiseurs de tours, de joueurs de gobelets, de grimaciers, de funambules, d’animaux savans et d’improvisateurs en plein air. Nous reconnaîtrons, messieurs, dans les vêtemens, la coiffure et les gambades de leurs saniones et de leurs mimes le modèle du zanni, ou bouffon moderne par excellence, en un mot, l’aïeul de notre Arlequin.

Mais ce petit théâtre, soit populaire, soit aristocratique, dans lequel vient se perdre et mourir le grand théâtre ancien, ce théâtre de salon et de boudoir, comme on dirait aujourd’hui, dont nous lisons de curieuses et charmantes relations contemporaines dans le Symposion et l’Anabasis de Xénophon, dans l’Âne d’or d’Apulée, dans les dialogues de Lucien, surtout dans le Banquet d’Athénée, et dont on peut, en cherchant bien, recueillir çà et là quelques précieux échantillons, ce petit théâtre, dis-je, n’est que d’un intérêt bien faible, et d’une importance tout-à-fait secondaire pour les professeurs appelés à vous faire connaître les inépuisables richesses du théâtre grec et romain. Pour nous, au contraire, cette source tarissante, ce gravier mêlé de terre, cette vase dramatique, pour ainsi dire, dans laquelle apparaissent les premiers germes, et comme les premières molécules du théâtre moderne, sont d’une importance extrême, d’un prix sans égal.

Au fond de presque toutes les origines, messieurs, il y a deux élémens : un élément nouveau et spontané, et un élément tradi-